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lundi 14 mars 2022

Pour citer ce texte :LAMARRE J-M.. (2022). L’éco-émancipation : penser l’émancipation en lien avec la responsabilité envers la nature Annuel de la Recherche en Philosophie de l’Education , 2
[https://www.sofphied.org/annuel-de-la-recherche-en-philosophie-de-l-education/arphe-2021/dossier-partie-1-l-education-au-risque-de-la-catastrophe/article/l-eco-emancipation-penser-l-emancipation-en-lien-avec-la-responsabilite-envers]

L’éco-émancipation : penser l’émancipation en lien avec la responsabilité envers la nature 

 

Jean-Marc Lamarre 
       Université de Nantes, CREN 

 

Résumé : L’Anthropocène nous amène à mettre en question l’idée d’émancipation. En effet cette idée est liée au programme moderne de maîtrise et domination de la nature. Faut-il renoncer à l’idée d’émancipation ? Nous montrons qu’il faut, non pas abandonner cette idée, mais la repenser en éco-émancipation c’est-à-dire en rapport avec la responsabilité envers la nature. Comme le montre La Dialectique de la raison d’Horkheimer et Adorno, la domination de la nature et celle des êtres humains sont des dominations conjointes. Par conséquent, il n’y a pas d’émancipation humaine sans libération de la nature et pas de libération de la nature sans émancipation humaine. Nous ferons référence à l’écoféminisme, en tant qu’il est emblématique de cette éco-émancipation. 

Mots-clés   
Anthropocène, émancipation, modernité, domination, écoféminisme 

 

Abstract :   Eco-emancipation: thinking about emancipation in connection with responsibility toward nature. The Anthropocene leads us to question the idea of emancipation. Indeed, this idea is linked to the modern programme of mastery and domination of nature. Should we renounce the idea of emancipation? We show that it is necessary not to abandon this idea, but to rethink it in terms of eco-emancipation, i.e. in relation to responsibility towards nature. As Horkheimer and Adorno's Dialectic of Reason shows, the domination of nature and the domination of human beings are joint dominations. Therefore, there is no human emancipation without the liberation of nature and no liberation of nature without human emancipation. We will refer to ecofeminism, as it is emblematic of this eco-emancipation. 

Keywords  
Anthropocene, emancipation, modernity, domination, ecofeminism 

 

Introduction     

L’éducation moderne a pour finalité l’émancipation. Mais, l’Anthropocène, cette époque géologique où l’espèce humaine est devenue une force tellurique majeure qui modifie de façon irréversible le fonctionnement du système Terre, nous amène à mettre en question l’idée moderne d’émancipation. Il ne peut pas y avoir d’émancipation sans maîtrise et transformation de la nature par le travail et l’action des hommes. S’émanciper, c’est ne plus subir la nature en tant que puissance dangereuse et imprévisible, desserrer l’étau des contraintes naturelles (besoins, douleurs, maladies, reproduction, mort, etc.), se libérer de la peur et des superstitions suscitées par les phénomènes naturels. Cependant, l’idée d’émancipation a fait cause commune avec les technosciences et le développement économique, c’est-à-dire avec le programme moderne de domination de la nature qui, mis en œuvre par le capitalisme industriel, a conduit au changement climatique. La responsabilité envers la nature nous contraint-elle à en finir avec l’idée d’émancipation ? Sommes-nous contraints de choisir entre l’émancipation et la nature ?  

Nous voudrions montrer, en prenant appui sur La Dialectique de la raison d’Horkheimer et Adorno et sur l’écoféminisme, qu’il faut, non pas congédier l’idée d’émancipation, mais la (re)penser en la dissociant de la domination sans limite de la nature et en la liant avec la responsabilité envers la nature. Adorno et Horkheimer et les théoriciennes écoféministes partagent l’idée que la domination de la nature et celle des humains naturalisés, c’est-à-dire stigmatisés comme proches de la nature, en particulier les femmes et les personnes racisées, sont des dominations conjointes : ces deux dominations sont inséparables. On peut appeler « éco-émancipation » l’idée d’émancipation liée avec la responsabilité envers la nature. « Éco-émancipation », cela signifie qu’il ne peut y avoir d’émancipation humaine sans libération de la nature ni de libération de la nature sans émancipation humaine.  

 

Critique de l’émancipation  

L’idée d’émancipation est liée à la modernité, mais le mot « émancipation » au sens moderne n’est employé qu’à partir des années 1815-1848. Même au moment de ce grand mouvement émancipateur qu’est la Révolution française, le mot est pratiquement absent (Tosel, 2016, p. 36). « Émancipation » renvoie d’abord à l’Antiquité romaine. Il vient du latin classique juridique. Emancipare signifie, selon le Gaffiot, « affranchir de l’autorité paternelle » et aussi « abandonner la possession de, aliéner [champ, propriété] » (Gaffiot, 1961, p. 584). L’émancipation désignait l’acte de faire sortir (ex) un jeune homme d’une famille de condition libre de la manus, du mancipium du pater familias, c’est-à-dire de la sujétion à l’autorité paternelle, mancipium signifiant mancipation (transfert d’une propriété), action de prendre (capere) avec la main (manus) la chose qu’on acquiert, et de là droit de propriété, propriété. Par exemple, chez Plaute, mancipium désigne l’esclave acquis par imposition de la main (ibid., p. 944). Le mot français « émancipation » garde ce sens juridique quand il désigne l’affranchissement des esclaves ou l’émancipation des juifs. Mais l’émancipation au sens juridique est une hétéro-émancipation, alors que l’émancipation au sens moderne est une auto-émancipation. Comme l’écrit F. Galichet dans L’émancipation, « on ne peut que se libérer soi-même et par soi-même ; une autonomie accordée par le dominant est encore un signe de sa domination » (Galichet, 2014, p. 15, les caractères gras sont de l’auteur). L’émancipation, en tant qu’auto-émancipation, est l’acte par lequel un individu ou des individus décident par eux-mêmes de ne plus dépendre d’un maître ou de maîtres. S’émanciper, c’est se libérer d’une domination c’est-à-dire d’une forme de pouvoir qui contraint un individu ou un groupe à la subordination continue. 

 

Émancipation et modernité : le tournant cartésien 

 

L’émancipation moderne est d’abord l’auto-émancipation de la raison. Descartes est la figure emblématique de ce tournant. « Descartes, écrit Tosel, est le héros par excellence de la libération de la raison, de ce qu’il ne nomme pas émancipation, mais qui est bien tel » (Tosel, 2016, p. 27). L’émancipation est d’abord l’acte par lequel un individu s’approprie son pouvoir de penser et se pose lui-même comme sujet. Simone de Beauvoir, pour penser l’émancipation des femmes, reprend cette idée cartésienne du pouvoir de penser, et en particulier de douter. La domination consiste à dénier au dominé l’usage de la raison. Tout est fait pour que le dominé ne pense pas et pour qu’il ne doute pas des opinions dominantes. « Pour ce que nous avons tous été enfants avant que d’être hommes, et qu’il nous a fallu longtemps être gouvernés par nos appétits et nos précepteurs », écrit Descartes dans le Discours de la méthode (Descartes, 1953, p. 133-134). L’enfant est d’abord soumis au pouvoir de l’adulte, il vit dans un monde construit par d’autres, un monde auquel, en tant qu’enfant, il ne peut qu’adhérer.  « Le malheur qui vient à l’homme du fait qu’il a été un enfant, c’est donc que sa liberté lui a été d’abord masquée » écrit Beauvoir dans Pour une morale de l’ambiguïté (Beauvoir, 1947, p.53)1 . La situation d’aliénation de l’enfant permet à la philosophe de penser les situations d’oppression.  

 

Cette situation est aussi celle des femmes qui ne peuvent que subir les lois, les dieux, les mœurs, les vérités créés par les mâles […] elles adoptent sans discussion les opinions et les valeurs reconnues par leur mari ou leur amant (ibid., p.50).  

 

Les situations d’oppression sont des situations qui font accepter le monde tel qu’il est et où, comme dit encore Beauvoir, « les mots, les mœurs, les valeurs sont des faits donnés, inéluctables comme le ciel et les arbres » (ibid., p.47). Autrement dit, ce qui est une construction sociale est perçu comme naturel. D’où la nécessité du doute comme méthode de pensée et comme valeur éthique, une nécessité non seulement intellectuelle, mais aussi existentielle. Douter, c’est se sentir capable de mettre en question le monde tel qu’il est et capable de le refaire. Le doute ouvre des possibles, il est, à certaines conditions, émancipateur. Son apprentissage est un enjeu éducatif important. Beauvoir témoigne de sa découverte de la philosophie : « soudain, écrit-elle, le monde des adultes n’allait plus de soi » (Beauvoir, 1958, p.146). 

 

Revenons à Descartes. La connaissance rationnelle de la nature permet de « nous rendre comme maîtres et possesseurs de la nature », écrit-il dans une phrase célèbre du Discours de la méthode (Descartes, 1953, p. 168). Cette phrase semble vouloir dire que, pour maîtriser la nature, il faut la dominer comme le maître domine son serviteur et la posséder comme on possède une chose. Descartes, cependant, ne dit pas que nous pouvons nous rendre maîtres et possesseurs de la nature, mais « comme maîtres et possesseurs de la nature » (les italiques sont de nous). C’est Dieu, le créateur du monde, qui en est, selon Descartes, le maître et le propriétaire, et la nature nous a été donnée par lui 2  pour que nous en fassions un bon usage. Grâce au pouvoir émancipateur de la raison (la connaissance des causes véritables des choses et les inventions techniques), le rapport à la nature devient « comme » un rapport de maîtrise et de possession. Toutefois, dans la conception cartésienne, il s’agit d’une maîtrise et d’une possession limitées à ce qui est utile à la vie des hommes : en particulier la diminution de la pénibilité du travail grâce à « l’invention d’une infinité d’artifices » (Descartes, 1953, p. 168) et « la conservation de la santé » (idem) grâce aux progrès de la médecine. L’instrumentalisme cartésien est un instrumentalisme limité. Mais, ce qui rend ambivalent le tournant cartésien, c’est l’assimilation du naturel à l’artificiel : selon Descartes, les corps matériels et vivants ne diffèrent pas ontologiquement des objets fabriqués. « Les bêtes […] agissent naturellement et par ressorts, ainsi qu’une horloge », écrit-il dans une lettre de 1646 au marquis de Newcastle (ibid., p.1256). Et, dans le Traité du monde : « par la Nature je n’entends point ici quelque Déesse, ou quelque autre sorte de puissance imaginaire » (Descartes, cité dans Burbage, 1998, p. 91). La nature est un mécanisme ; tout s’y fait par figures et mouvements. En fin de compte, alors même qu'il préconise une maitrise limitée, Descartes, du fait de sa conception mécaniste qui réduit la nature à une chose, ouvre la voie, malgré lui, à une domination illimitée.

 

Émancipation et domination de la nature dans la modernité 

 

Avec Descartes, avec la « science nouvelle » (Galilée), puis les Lumières, l’idée d’émancipation par la raison s’inscrit dans le cadre conceptuel dualiste qui oppose l’homme à la nature. L’émancipation, associée à la maîtrise et possession de la nature, réduite à un mécanisme, contribue à rendre hégémonique ce cadre dualiste et à rendre possible un rapport de domination démesurée de la nature, à partir du moment où, vers le milieu du XIXe siècle, la science, la technique et l’industrie capitaliste fusionnent. Est alors mis en œuvre sans limites ce que Hans Jonas appelle « le programme baconien ». 

 

Le danger, écrit-il, a son origine dans les dimensions excessives de la civilisation scientifique-technique-industrielle. Ce que nous pouvons appeler le programme baconien, à savoir orienter le savoir vers la domination de la nature et utiliser la domination, de la nature pour l’amélioration du sort humain […] (Jonas, 1979/1997, p. 191-192)3 . 

Dans le dualisme homme versus nature, l’homme n’est plus inclus dans la nature (tout en en étant relativement séparé), mais il lui est extérieur (hyper séparation), s’émancipant par arrachement des liens de dépendance envers elle. Cette émancipation, par une raison devenue instrumentale, est une émancipation par arrachement, par déliaison. Selon l’historien des sciences et des techniques Lynn White, ce dualisme a son origine dans le christianisme médiéval latin (White, 1967/2019).  

 

Traditionnellement la science est aristocratique et la technique est, comme le travail, considérée comme socialement inférieure. La fusion de la science et de la technique (la technoscience) est liée, selon White, aux révolutions démocratiques, critiques de la hiérarchie sociale, donc aux processus d’émancipation politique. « Notre crise écologique, écrit White, est le produit de l’émergence d’une culture démocratique entièrement nouvelle » (ibid., p.28). À la fin du XVe siècle, l’Europe s’impose par sa supériorité technique, celle de « la technique moderne avec sa brutalité envers la nature » (ibid., p. 35). Déjà à la fin du VIIe siècle apparaît un nouveau type de charrue (avec une lame verticale, un soc horizontal et un déversoir), une charrue qui attaque la terre avec violence. « Auparavant, l’homme faisait partie de la nature ; désormais, il était l’exploiteur de la nature. […] L’homme et la nature sont séparés, et l’homme est le maître » (Ibid., p.34-35). Le christianisme latin du Moyen-Age développe une interprétation « despotique » de Genèse I, 26-28, c’est-à-dire une interprétation centrée sur la soumission des animaux à l’homme. Le christianisme occidental est « la religion la plus anthropocentrique que le monde a connue » (ibid., p.38). « En détruisant l’animisme païen, le christianisme a permis l’exploitation de la nature […] Les esprits dans les objets naturels, qui protégeaient auparavant la nature contre l’homme, se sont évaporés. Cela confirme le monopole effectif de l’homme sur l’esprit dans ce monde et les vieilles inhibitions envers l’exploitation de la nature s’effondrèrent » (ibid., p. 39).  

 

De même, Carolyn Merchant, philosophe écoféministe et historienne des sciences, montre dans La Mort de la nature (1980/2021), que, jusqu’à la Renaissance, a prévalu en Occident une conception organique de la nature et que cette conception a été remplacée, avec la révolution scientifique des XVIe et XVIIe siècles, par une conception mécaniste dans laquelle la nature a été reconceptualisée comme morte et donc comme pouvant être dominée. Ces conceptions s’exprimaient aussi dans des images féminines et maternelles de la terre. La thèse de Merchant est que ces images ne sont pas seulement descriptives, mais qu’elles ont aussi une fonction normative. Ainsi, « l’image de la terre comme organisme vivant et mère nourricière a servi de contrainte culturelle limitant les actions des êtres humains. On ne tue pas facilement une mère » (Merchant, 1980/2021, p. 40). Au moment de la révolution scientifique, cette image féminine et maternelle de la terre prend une signification opposée. « Bacon transforme les contraintes en autorisation » (Merchant, 1980/2016, p. 155). Il conçoit l’enquête scientifique comme une « pénétration des secrets de la nature », « secrets toujours enfouis dans le giron de la terre » (Bacon cité dans ibid., p. 157). Merchant établit un lien entre le changement de conception de la nature et le changement de comportement envers la terre et envers les femmes : « la science, écrit-elle, en reconceptualisant la réalité comme une machine plutôt que comme un organisme vivant, a autorisé la domination des femmes et de la nature » (Merchant, 1980/2021, p. 33)4 . 

 

La modernité est culturellement constituée par un réseau de dualismes dans lequel le dualisme homme/nature joue un rôle central et structurant : culture/nature, raison/sensibilité, homme/femme, actif/passif, esprit/corps ou esprit/matière, humanité/animalité, maître/esclave, civilisé/primitif, colonisateur/colonisé, etc. La philosophe écoféministe australienne Val Plumwood analyse la logique à l’œuvre dans ces dualismes (Plumwood, 2009/2020). La logique de ces dualismes est une logique de la domination, l’un des pôles étant le pôle supérieur et l’autre le pôle inférieur. Ainsi, la femme est l’autre, comme Beauvoir l’a déjà montré dans Le deuxième sexe (Beauvoir, 1949/2013a, p. 18-20), et il en est de même du colonisé, de la nature et des autres pôles inférieurs. Plumwood dégage cinq caractéristiques de ces dualismes : la réduction, l’exclusion, l’incorporation, l’homogénéisation, l’instrumentalisation. Le pôle inférieur est réduit à un arrière-plan dont le pôle supérieur ne dépend pas, il est radicalement exclu, il est défini négativement par rapport au pôle supérieur, il est homogénéisé (la diversité, dans le pôle inférieur, est effacée), enfin il est instrumentalisé au profit du pôle supérieur. Cette logique de la domination procède aussi par naturalisation des autres, des êtres humains infériorisés : les femmes, les noirs, les esclaves, les ‘primitifs’ ou les ‘sauvages’, les colonisés, voire les prolétaires sont stigmatisés comme des êtres de nature, dominés par leur corps, leurs pulsions, leur animalité. Lorsqu’elle conforte le dualisme homme/nature, l’émancipation se renverse en domination, non seulement domination de la nature, mais aussi domination des humains naturalisés.  

 

Les courants hégémoniques dans le libéralisme et dans le socialisme ont fait dépendre l’émancipation de la prospérité acquise par la domination de la nature. C’est ce que Pierre Charbonnier appelle « la formule de l’émancipation par l’abondance » (Charbonnier, 2020, p. 103). Le « pacte libéral » (idem) qui apparaît au milieu du XVIIIe siècle (Hume, Smith) promet l’émancipation grâce à l’industrie manufacturière et au commerce, autrement dit au capitalisme. Le socialisme, dans son courant dominant, se présente comme un dépassement du libéralisme, mais sur son propre terrain. Dans la plus grande partie de son œuvre, Marx conçoit l’émancipation sociale des travailleurs comme indissociable du développement des forces productives. « L’idéal communiste, écrit Charbonnier, a donc été une façon singulière de lier, une fois de plus, le destin politique des modernes à l’usage rationalisé de la nature et de ses ressources, de suspendre le projet d’émancipation à une prospérité compatible avec la justice sociale » (ibid., p. 242). Mais comme le montre Serge Audier, dans les marges du grand récit républicain et socialiste, un courant minoritaire (avec des figures comme Fourier, Thoreau, Morris, Reclus, etc.) dénonce les destructions de la nature par le ‘progrès’ industriel et esquisse les traits d’une autre société, à la fois responsable envers la nature et émancipatrice. « Le souci écologique, dans ces milieux progressistes minoritaires du XIXe siècle, s’est très tôt articulé à un souci émancipateur, social et égalitaire. […] Reclus est exemplaire de cette orientation, lui qui liait intimement projet écologique et projet social d’émancipation pour tous » (Audier, 2017, p. 706-707)5 .  

Critique de la domination  

 

Domination de la nature extérieure, domination de la nature intérieure et domination sociale : trois dominations conjointes 

 

 Publiée en 1947, La Dialectique de la raison a été écrite par Adorno et Horkheimer pendant la seconde guerre mondiale, aux États-Unis, c’est-à-dire dans un contexte de catastrophes (nazisme, stalinisme, guerre totale, société industrielle capitaliste américaine), mais aussi à un moment où la défaite de l’Allemagne nazie devient prévisible. Horkheimer et Adorno voient dans les catastrophes du XXe siècle l’aboutissement d’un usage millénaire de la raison occidentale devenue, dans la modernité, raison instrumentale. Ils comparent la raison à un dictateur. « La raison se comporte à l’égard des choses comme un dictateur à l’égard des hommes : il les connaît dans la mesure où il peut les manipuler » (Horkheimer et Adorno, 1944/1974, p. 27). La Dialectique de la raison critique l’Aufklärung, non pas pour congédier la raison, mais pour la sauver. Seule une critique radicale de la raison par la raison - une autocritique - peut sauver la raison. Le titre du livre est Dialektik der Aufklärung. L’Aufklärung ici ne se limite pas aux Lumières du XVIIIe siècle, mais a le sens large de « pensée en progrès » (ibid., p. 21)6 . C’est la raison occidentale assurant, de façon continue, une maîtrise toujours plus efficace et plus aveugle de la nature. La raison serait d’emblée malade et portée à réduire son autre, à l’objectiver, c’est-à-dire à s’approprier le monde, à en faire sa proie. Horkheimer écrit dans Éclipse de la raison (1947) : « S’il nous fallait parler d’une maladie qui affecte la raison, il serait nécessaire de comprendre que cette maladie n’a pas frappé la raison à un moment historique donné, mais qu’elle a été inséparable de la nature de la raison dans la civilisation telle que nous l’avons connue jusque-là. » (Horkheimer, 1947/1974, p. 182) Horkheimer et Adorno exagèrent, car il y a aussi d’emblée une dimension critique de la raison. Mais il faut prendre en compte le genre dont relève La Dialectique de la raison. Comme l’atteste le sous-titre Fragments philosophiques, celle-ci n’est pas une doctrine, pas une philosophie de l’histoire, mais une réflexion critique qui grossit à dessein les excès de la raison pour mettre en question ce qui va de soi, à savoir la confiance en la raison. D’où cette écriture hyperbolique. « Mais seule l’exagération est vraie » écrivent Horkheimer et Adorno (1944/1974, p.126). 

 

La Dialectique de la raison met au grand jour ce qu’on peut appeler la structure de la domination (Vuillerod, 2021). Horkheimer et Adorno relient trois dominations : dans le rapport à la nature, le rapport entre les hommes, le rapport à soi. Horkheimer écrit dans Éclipse de la raison :  

 

L’être humain, dans le processus même de son émancipation, partage le sort du reste du monde. La domination de la nature implique la domination de l’homme. Chaque sujet doit non seulement prendre part à la mise en sujétion de la nature extérieure, humaine et non-humaine, mais afin de le faire il doit mettre en sujétion la nature en lui-même. La domination s’intériorise pour l’amour de la domination (Horkheimer, 1947/1974, p. 102).   

 

Les trois dominations constituent la domination et c’est la domination de la nature qui structure l’ensemble. Autrement dit, la domination de la nature se dit en un triple sens : comme domination de la nature extérieure, comme domination de la nature intérieure (le fonds pulsionnel de l’être humain, le corps, la sensibilité) et comme domination de l’homme sur l’homme (la domination exercée sur les faibles naturalisés). La Dialectique de la raison commence ainsi : « De tout temps, l’Aufklärung, au sens le plus large de pensée en progrès, a eu pour but de libérer les hommes de la peur et de les rendre souverains. Mais la terre, entièrement « éclairée », resplendit sous le signe des calamités triomphant partout » (Horkheimer et Adorno, 1944/1974, p. 21). Ces deux premières phrases mettent au cœur de la dialectique de l’Aufklärung le renversement de l’émancipation en domination. En orientant la libération de la peur (peur de la mort, des dieux, de la nature) vers la souveraineté (la souveraineté du maître qui commande), la raison à visée émancipatrice se renverse en raison dominatrice.  

« La domination de la nature se reproduit à l’intérieur de l’humanité » (ibid., p. 118-119) ; elle s’exerce en particulier sur les femmes, dans la mesure où celles-ci, perçues comme faibles, sont naturalisées, identifiées à la nature. Horkheimer et Adorno écrivent : 

 

Pour ceux qui considèrent que la domination de la nature est le véritable objectif, l’infériorité biologique reste une marque indélébile, la faiblesse imprimée par la nature, la cicatrice qui invite à la violence (ibid., p. 271).  

 

La faiblesse, d’une manière générale, excite l’hostilité et la haine de l’homme fort, « la volonté désespérée de détruire tout ce qui incarne la fascination de la nature, de ce qui est physiologiquement, biologiquement, nationalement, socialement plus faible » (ibid., p. 120). C’est le cas pour les femmes et aussi pour les juifs. Les faibles ont une « affinité plus grande avec la nature due à la constante oppression à laquelle ils sont soumis » alors que « l’homme fort […] paie sa force d’un plus grand éloignement de la nature » (ibid., 121). L’affinité des femmes (et des faibles en général) avec la nature laisse entrevoir un autre rapport avec la nature, un rapport non destructeur. Un dialogue semble donc possible entre Adorno et les écoféministes. Ils partagent une hypothèse de travail commune, celle d’une domination conjointe des femmes et de la nature (Genel, Vuillerod, Wezel, 2020 et Vuillerod, 2021). 

 

L’écoféminisme : au croisement de l’émancipation et de la responsabilité envers la nature 

L’expression « écoféminisme » a été inventée par F. d’Eaubonne en 1974 dans son livre Le féminisme ou la mort. Mais c’est essentiellement en Amérique du Nord (suite à l’accident nucléaire de Three Mile Island en 1979) puis en Grande-Bretagne que se crée le mouvement écoféministe au cours des grandes mobilisations antinucléaires et pacifistes des années 1970-1980 notamment la manifestation les 16 et 17 novembre 1980 (Women’s Pentagon Action) à Washington où 2000 femmes demandent l’arrêt de la prolifération nucléaire et encerclent le Pentagone en dansant, chantant et criant des slogans (Burgart Goutal, 2020). 

 

L’écoféminisme n’est pas une juxtaposition du féminisme et de l’écologie, mais une rencontre et un dialogue, une dialectique où émancipation des femmes et libération de la nature se questionnent l’une l’autre. Il tente de dépasser le dualisme homme / nature en faisant entrer le social dans l’écologie (contre une écologie de la protection de la nature par exclusion des humains) et la nature dans le féminisme (contre un féminisme qui critique la naturalisation des femmes sans penser un autre concept de nature). Ce qui n’est pas sans poser problème : l’écofémisme est-il un mouvement d’émancipation ou une régression en deçà de l’émancipation ? Les controverses portent principalement sur deux questions : le rapport entre les femmes et la nature et le rapport entre la spiritualité et le politique. Janet Biehl (qui a été la compagne du penseur et militant anarchiste écologiste Murray Bookchin) résume bien les critiques faites à l’écoféminisme : en posant « un rapport particulier entre les femmes et la nature », l’écoféminisme « trafique des stéréotypes patriarcaux ». Elle critique la fascination des écoféministes pour les modes de vie ruraux traditionnels en Asie, Afrique, Amérique latine : « Que dire des femmes qui aspiraient à l’éducation, à une vie professionnelle et à une pleine citoyenneté politique ? Les écoféministes semblaient préférer qu’elles demeurent dans leurs anciens rôles, pieds nus et jardinant. » Enfin elle dénonce dans la spiritualité un irrationalisme et une dépolitisation : « L’écoféminisme est largement devenu un exercice de transformation personnelle », écrit-elle (Biehl, 2011, p. 22-23). 

 

Premier problème : le lien entre les femmes et la nature. Y a-t-il un rapport privilégié des femmes à la nature, à la vie, notamment à travers l’enfantement ? L’émancipation des femmes passe-t-elle par une réappropriation de leur corps ou au contraire, comme le pense Beauvoir, par un arrachement à la nature, au biologique ? La naturalisation (l’identification socialement construite des femmes à la nature), montre É. Hache, n’est pas la nature (Hache, 2016). Ce qui pose problème dans cette identification, ce n’est pas la nature, mais l’infériorisation de celle-ci par le dualisme hiérarchique nature / culture. Selon É. Hache, rejeter le lien des femmes à la nature comme essentialisme, c’est passer de la nature à la culture sans mettre en question le dualisme nature / culture en repensant la nature, mais se limiter à renverser la hiérarchie entre nature et culture. Les écoféministes sortent, toujours selon Hache, du dualisme en se réappropriant à la fois le rapport à la nature extérieure (une nature non infériorisée) et le rapport à la nature intérieure, au corps propre, à la sensibilité en dépassant le dualisme hiérarchique esprit / corps. Mais, me semble-t-il, on peut se demander pourquoi cette réappropriation devrait-elle passer par l’affirmation d’un lien particulier entre les femmes et la nature. Les hommes aussi ont à se réapproprier leur corps et leur sensibilité ainsi que leur rapport à la nature. Et aussi à avoir un autre rapport au corps des femmes que le rapport d’appropriation et de prédation. Il y a là un enjeu éducatif important.  

 

Deuxième problème : la spiritualité comme rapport à soi, aux autres et à la nature. Pour les écoféministes, il n’y a pas de changement possible dans la société et dans le rapport à la nature extérieure sans changement intérieur. Il faut que les femmes découvrent leur propre puissance d’être et d’agir, leur puissance de lutte et d’émancipation. Ce que Starhawk appelle « retrouver un pouvoir personnel », un pouvoir-du-dedans, qu’elle distingue d’un pouvoir-sur et qui s’oppose au principe de domination sur lequel est basé la société. Retrouver ce pouvoir-du-dedans est indispensable « pour résister à la destruction à laquelle ceux qui détiennent le pouvoir-sur sont en train de vouer le monde » (Starhawk, 2015, p. 27). Joanna Macy, une écoféministe qui anime des ateliers de spiritualité, oppose, quant à elle, au pouvoir-sur le pouvoir-avec. Le pouvoir-avec est le pouvoir comme processus, « le pouvoir synergique » (Hache, 2016, p. 180), un pouvoir que nous ne possédons pas, au sens où « nous ne pouvons pas nous en servir comme d’une arme à feu » (ibid., p. 179). En ce sens spiritualité et politique sont indissociables (là aussi il y a un enjeu éducatif). Starhawk écrit au début de son livre : « Ce livre tente de relier le spirituel et le politique, ou plutôt d’accéder à un espace au sein duquel cette séparation n’existe pas, où les histoires de dualité que nous raconte notre culture ne nous vouent plus à répéter les mêmes vieux scénarios. » (Starhawk, 2015, p. 27. Concrètement ce lien spiritualité-politique est mis en œuvre par les écoféministes dans les mobilisations et les actions directes non violentes. Contrairement à ce qu’affirme Biehl, il n’y a pas nécessairement dépolitisation dans le travail de transformation de soi.  

Enfin, la déesse. Retrouver son pouvoir-du-dedans, cela passe, pour Starhawk et pour d’autres écoféministes, par le culte de la déesse (des rituels, danses, chants, méditations, prières). Il ne s’agit pas tant d’une croyance religieuse que d’une expérience de relation avec les pouvoirs de la nature. Starhawk se définit comme sorcière néopaïenne. Ce néopaganisme a une fonction critique par rapport aux religions monothéistes patriarcales (un dieu mâle, transcendant). La déesse est un symbole du pouvoir féminin. « La force et l’indépendance du pouvoir féminin, écrit l’écrivaine écoféministe néopaïenne Carol P. Christ, peuvent être perçues en contemplant les images anciennes comme modernes de la Déesse » (Christ, 2016, p. 89). Ce symbole, selon Christ,  réévalue et affirme également le corps féminin, la volonté des femmes et les liens entre les femmes.  Mais faut-il resacraliser la nature, la réanimer par l’animisme (Plumwood, 2009/2020), la réenchanter ? Les dieux et les déesses se sont enfuis (cf. le poème de Schiller, Les dieux de la Grèce, cité dans Rosa, 2016/2018, p. 149-150) et on ne les fera pas revenir comme cela. Reste peut-être ce que Rosa appelle la résonance (Rosa, 2016/2018) ou, comme dit Hölderlin, habiter poétiquement la terre (Lamarre, 2020). 

 

 J’ai embrassé l’aube d’été. […] Je ris au wasserfall qui s’échevela à travers les sapins : à la cime argentée, je reconnus la déesse. […] En haut de la route, près d’un bois de lauriers, je l’ai entourée avec ses voiles amassés, et j’ai senti un peu son immense corps. L’aube et l’enfant tombèrent au bas du bois. Au réveil, il était midi.  (Rimbaud, Aube).  

 

Rimbaud, comme Élisée Reclus, incarne à merveille la rencontre de l’émancipation (il fut un partisan de la Commune de 1871) et de la relation avec la nature. 

 

Conclusion 

 

Faut-il en finir avec l’émancipation ? L’Anthropocène nous conduit à mettre en question l’idée d’émancipation. Il faut en finir, non pas avec l’émancipation et la maîtrise limitée de la nature, mais avec le grand récit de l’émancipation solidaire du progrès de la science, de la technique et de l’industrie, c’est-à-dire en fin de compte de la production sans limite et de la consommation effrénée : ce qu’on peut appeler l’émancipation prométhéenne. Le prométhéisme, mis en œuvre par le capitalisme, mène à la domination et à l’exploitation illimitées de la nature réduite à une matière inerte et à une source de profits. Cependant le « retour vers la nature » (Genel, Vuillerod, Wezel) ne doit pas non plus être une régression à une conception essentialisante de la nature qui assigne les femmes à la maternité et au soin (des enfants, des personnes âgées, etc.), qui stigmatise les minorités sexuelles comme contre-nature et infériorise les personnes racisées et les peuples indigènes. Nous n’avons pas à choisir entre l’émancipation et la nature, il ne suffit pas non plus d’ajouter à l’émancipation le souci de la nature. L’éco-émancipation n’est pas la juxtaposition de l’émancipation et de la responsabilité envers la nature, mais une transformation dialectique de l’une par l’autre. S’émanciper, ce n’est pas seulement se libérer des dominations ou plutôt, on ne se libère des dominations qu’en libérant en même temps la nature de la domination des hommes par une autolimitation de l’action sur la nature et le développement du partenariat avec la nature (Merchant, 1980/2020). Comme l’écrit Tosel, « on ne s’émancipe pas en se faisant maître, mais en rendant impossibles la fonction de maître et celle de son corrélat, l’esclave » (Tosel, 2016, p. 27-28).  

 

L’éco-émancipation peut se développer et existe déjà dans l’éducation sur au moins deux axes : une éducation à la non domination (ni dominé ni dominant) dans les rapports à la nature, aux autres et à soi-même et une éducation qui dépasse le dualisme homme/nature. Une éducation à la non domination est une éducation contre toutes les discriminations (Pereira, 2018), à la responsabilité envers la nature et au sens des limites (Lamarre, 2020). Une éducation qui dépasse les dualismes est une éducation où il s’agit non pas de renverser la hiérarchie entre l’homme et la nature en passant d’un centrage sur la société, l’esprit, la raison à un centrage sur la nature, le corps, la sensibilité, mais d’éduquer au-delà des dualismes : la société avec la nature, l’esprit avec le corps, la raison avec la sensibilité. On peut relire, dans la perspective de l’éco-émancipation, Émile ou de l’éducation de Rousseau et des œuvres pédagogiques comme celles de Célestin et Élise Freinet. Dans l’ Émile, Rousseau dénonce la destruction de la nature par les hommes et pense une éducation naturelle dans laquelle Émile n’est ni dominé ni dominant. Dans La Nouvelle Héloïse, il décrit, à propos du jardin de Julie, un rapport à la nature qui est un rapport, non pas de domination, mais de partenariat : « la nature a tout fait, dit Julie, mais sous ma direction, et il n’y a rien là que je n’aie ordonné » (Rousseau, 1964, p. 472). Quant aux Freinet, ils créent à Vence une école nouvelle qui se veut à la fois prolétarienne et naturiste et qui est ancrée dans un paysage où on fait l’apprentissage d’un rapport à la nature (Riondet, 2022). Dans un article de 1939, Élise Freinet réfléchit à « l’articulation entre éducation, écologie et société » (ibid., p. 60) : « détruire l’esclavage de l’homme », « diriger la technique dans une voie socialiste », « chercher les meilleures combinaisons possibles entre la Technique et la Nature » (cité par Riondet, p. 59). 

 

Nous ne pourrons pas résister aux effondrements (Hétier, 2021) sans oser (re)prendre possession de notre raison, de notre esprit et de notre corps, autrement dit de notre pouvoir d’être, de penser, de décider et d’agir. Nous ne le pourrons pas sans oser nous émanciper. « Qu’est-ce que les Lumières ? La sortie de l’homme de sa Minorité, dont il est lui-même responsable, écrit Kant dans des phrases célèbres et toujours d’actualité. Minorité, c’est-à-dire incapacité de se servir de son entendement sans la direction d’autrui, minorité dont il est lui-même responsable, puisque la cause en réside non dans un défaut de l’entendement, mais dans un manque de décision et de courage de s’en servir sans la direction d’autrui. Sapere aude ! Aie le courage de te servir de ton propre entendement : telle est la doctrine des Lumières » (Kant, 1784/1947, p. 83). 

 

Références  

 

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Biehl, J. (2011). « Féminisme et écologie, un lien « naturel » ? ». Le Monde diplomatique, mai 2011, p. 22-23. 

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Christ, C. P. (2016). Pourquoi les femmes ont besoin de la déesse  réflexions phénoménologiques, psychologiques et politiques. Dans É Hache, (2016). Reclaim. Recueil de textes écoféministes choisis et présentés par Émilie Hache.   Éditions Cambourakis. 

Descartes, R. (1953). Œuvres et Lettres. Bibliothèque de la Pléiade. Gallimard. 

Fabre, M. (2021). Un avenir problématique. Éducation et responsabilité d’après Hans Jonas.  Éditions Raison et Passions. 

Gaffiot, F. (1961). Dictionnaire illustré latin – français.   Hachette. 

Galichet, F. (2014). L’émancipation. Se libérer des dominations.  Chronique sociale. 

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Lamarre, J.-M. (2020). Habiter poétiquement le monde, habiter politiquement le monde ? Dans Les Convivialistes (2020) Résistance, résonance. Apprendre à changer le monde avec Hartmut Rosa.   Éditions Le Pommier. 

Merchant, C. (1980/2016). Exploiter le ventre de la terre. Dans É Hache (2016). Reclaim. Recueil de textes écoféministes choisis et présentés par Émilie Hache.   Éditions Cambourakis. 

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Plumwood, V. (2009/2020). Réanimer la nature.   PUF. 

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Riondet, X. (2022). « Petites méditations sur l’écologie à partir de l’œuvre d’Élise et Célestin Freinet ».  L’Autre école. La revue de Questions de Classe(s), n° 18, École et écologie ? Blablabla …, p. 57-60. 

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White, Jr L. T. (1967/2019). Les racines historiques de notre crise écologique.   PUF. 

 

Notes

 

[←1

 Cf. Mickaëlle Provost, « L’expérience du doute chez Simone de Beauvoir », Philosophie, éd. de Minuit, n°144, janvier 2020. 

[←2

  Descartes fait probablement allusion à Genèse 1, 26-28 : « Dieu dit : ‘ Faisons l’homme à notre image, comme notre ressemblance, et qu’ils dominent sur les poissons de la mer, les oiseaux du ciel, les bestiaux, toutes les bêtes sauvages et toutes les bestioles qui rampent sur la terre’ » (La Bible de Jérusalem, 1999, p. 18). 

[←3

  Sur H. Jonas, cf. M. Fabre, Un avenir problématique. Éducation et responsabilité d’après Hans Jonas, 2021. Voir en particulier la deuxième partie : Technique, Politique, Écologie. « Dans son article « L’impact du XVIIè siècle » (Essais philosophiques), Jonas analyse en détail la révolution scientifique qui se produit à partir de la Renaissance. Il montre que l’idéal baconien d’une alliance de la science et de la technique, s’il est effectivement préparé par la science de Galilée et de Newton, ne s’accomplira véritablement qu’avec la révolution industrielle du XIXe siècle […]. » (Fabre, 2021, p. 110, note 45). 

[←4

  L’élégie de Ronsard Contre les bûcherons de la forêt de Gastine (élégie XXIV) montre bien cette fonction des images. Elle présente les bûcherons comme des meurtriers des nymphes : « Écoute, bûcheron, arrête un peu le bras ! / Ce ne sont pas des bois que tu jettes à bas ; / Ne vois-tu pas le sang, lequel dégoute à force, / Des nymphes qui vivaient dessous la dure écorce ? » 

[←5

 Pierre Charbonnier passe quasiment sous silence ce courant minoritaire qui ne se réduit pas à quelques figures marginales, mais qui constitue toute une mouvance pré-écologique entre anarchisme et socialisme. 

[←6

  Sur les sens du mot Aufklärung chez Adorno, cf. A. P. Olivier, « Le concept d’Aufklärung dans la philosophie d’Adorno » dans M. Fabre et C. Chauvigné (dirs.), L’éducation et les Lumières, éditions Raison et Passions, 2020. 

Annuel de la recherche en philosophie de l’éducation ISSN 2779-5292