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lundi 14 mars 2022

Pour citer ce texte : PACHOD, A.. (2022). Des spiritualités de l’enseignant en contexte hypermoderne et incertain ? Annuel de la Recherche en Philosophie de l’Education , 2
[https://www.sofphied.org/annuel-de-la-recherche-en-philosophie-de-l-education/arphe-2021/dossier-partie-2-ecole-et-anthropocene/article/des-spiritualites-de-l-enseignant-en-contexte-hypermoderne-et-incertain]

Des spiritualités de l’enseignant en contexte hypermoderne et incertain ? 

 

André PACHOD 
INSPE/Université de Strasbourg 
LISEC - NeV 

 

Résumé : Y a-t-il une ou des spiritualités de l’enseignant ? Cette question se pose dans un triple contexte : une société hypermoderne, une école en crise, une identité enseignante en recherche de sens. Pour y répondre, une première partie visera à clarifier la notion floue et plurielle de la spiritualité. L’étymologie en hébreu, en grec ancien et en latin, la définit comme un souffle, un élan vital, un état d’esprit. Michel Foucault la caractérise en sept traits, dont une transformation du sujet, un travail de soi sur soi, une ouverture à l’altérité, un style de vie. André Comte Sponville précise une spiritualité sans Dieu autour de trois piliers : la fidélité, l’action, l’amour. Une deuxième partie contextualisera la spiritualité de l’enseignant dans une société hypermoderne marquée par de nouveaux rapports à soi, aux autres, au temps, en souhait de ralentissement salutaire et de résistance créatrice. La dernière partie proposera les spiritualités de l’enseignant en trois figures empruntées à la culture traditionnelle africaine : le penseur, le porteur d’eau, le conteur. 

Mots-clés 
Spiritualité – enseignant – société hypermoderne – Foucault – Comte-Sponville 

 

Abstract : Is there a spirituality or spiritualities of the teacher? This question arises in a threefold context: a hypermodern society, a school in crisis, a teaching identity in search of meaning. To answer this, a first part will aim to clarify the vague and plural notion of spirituality. The etymology in Hebrew, ancient Greek and Latin defines it as a breath, a vital impetus, a state of mind. Michel Foucault characterizes it in seven traits, including a transformation of the subject, a work of oneself on oneself, an openness to otherness, a style of life. André Comte Sponville specifies a spirituality without God around three pillars: fidelity, action, love. A second part will contextualize the spirituality of the teacher in a hypermodern society marked by new relationships with oneself, with others, with time, in the hope of a healthy slowing down and creative resistance. The last part will present the spiritualities of the teacher in three figures borrowed from traditional African culture: the thinker, the water carrier, the storyteller. 

Keywords  
Spirituality – teacher – hypermodern society – Foucault – Comte-Sponville  

 

Le titre de cette contribution se termine par un point d’interrogation. Cette ponctuation indique la nature du propos : un questionnement et une recherche qu’un formateur d’enseignants travaille depuis plus de trente ans. Y a-t-il encore une ou des spiritualités de l’enseignant dans un contexte hypermoderne et incertain ? Spiritualité(s) et laïcité ne sont-elles pas contradictoires dans l’espace scolaire ? Peut-on former les enseignants, donc les élèves, à la spiritualité ? Au commencement étaient les questions ! 

 

Ces questions, nous les inscrivons dans une approche contemporaine d’une société dite hypermoderne et incertaine, et d’une éducation en crise qui pose des questions de l’École et à l’École. Parmi ses acteurs, nous focaliserons notre étude sur l’enseignant dans son identité et sa professionnalité en école primaire publique. Ainsi, notre propos ne traitera pas de l’enseignant spirituel, ni de l’enseignement de la spiritualité, ni de l’éducation au spirituel ; il souhaite préciser les spiritualités que l’enseignant peut vivre dans l’exercice de ses fonctions et missions. 

 

La première partie de cette étude contribuera à clarifier cette notion. La triple étymologie latine, grecque et hébraïque précèdera l’approche de la spiritualité par Michel Foucault. Les analyses sur la maturité spirituelle et sur une spiritualité sans Dieu concluront cette partie notionnelle. La seconde partie situera ces analyses dans un contexte de sécularisation, de retour du religieux, d’ignorance religieuse, de tensions et de paradoxes en situation de crise. Dans de nouveaux rapports à soi, aux autres, au temps, l’enseignant est invité à pratiquer des spiritualités du ralentissement salutaire, du questionnement, de la quête de sens. Trois métaphores empruntées à la culture traditionnelle sénégalaise présenteront quelques traits des spiritualités de l’enseignant, qui introduisent nos enseignements en formation initiale et continue en sciences de l'éducation et de la formation. 

 

1. Spiritualités en questions

 

Notion très à la mode, la spiritualité demande à être définie. Pratiquons une approche notionnelle de la spiritualité en développant successivement une triple étymologie, l’approche de Michel Foucault, les analyses d’André Comte-Sponville sur une spiritualité sans Dieu, les caractéristiques d’une maturité spirituelle. 

 

Une triple étymologie

 

L’étymologie de spiritualité, n’est pas double comme habituellement présentée, mais triple : spiritus en latin, pneuma en grec, ruâh en hébreu. Spiritus signifie « l’esprit », spiritualitas « le souffle », « la vie de l’âme », spiritualis ce qui est « relatif au souffle et à l’esprit ». À la suite de l’exégète Jean Zumstein (2021), situons « l’esprit » dans deux délimitations de nature anthropologique. Tout d’abord, il n’y a pas (encore) d’opposition ni de séparation entre l’esprit et la matière, entre l’âme et le corps : « La personne n’a pas un corps, elle est un corps. C’est en tant que corps que je suis présent au monde, c’est en tant que corps que les autres me connaissent » (p. 19). Ensuite, l’homme se comprend en deux dimensions : l’homme intérieur, ce qui constitue le moi, la subjectivité, le dialogue intérieur, et l’homme extérieur, la vie exposée au monde et que les autres peuvent percevoir : « ces deux dimensions de ma vie – mon intériorité et mon extériorité – ne sont pas coupées l’une de l’autre. Entre elles, il existe toujours un va-et-vient. Elles sont dans un rapport dialectique » (ibid.). 

 

En grec ancien, le terme pneuma, recouvre plusieurs sens : le mouvement du vent, l’haleine des narines ou de la bouche ; l’esprit, c’est-à-dire le principe vital qui anime le corps, l’esprit rationnel et l’âme ; un esprit qui donne la vie, qui possède le pouvoir de connaissance, de désir, de décision, d’action ; la disposition ou l’influence qui remplit et gouverne l’âme ; la puissance de Dieu. 

 

La ruâh hébraïque caractérise le processus respiratoire qui exprime la vitalité de l’homme dans les situations de relation, de naissance, de découragement. Elle signifie le souffle, le vent, brise légère ou ouragan, l’esprit, la force qui met en mouvement, l’espace de vie et de création. Ponctuelle ou permanente, elle est expérience et principe de vie nouvelle, prodiguant force, sagesse, conseil pour gouverner, s’exprimer, livrer bataille, etc. Dans les épreuves, elle est expérience de soulagement et de réconfort. C’est la ruâh qui assure l’existence et le lien des deux autres éléments de l’homme : la nefesh (le moi, la personne), le basar (les sentiments). Elle est ainsi souffle créateur, source d’initiative, invitation à l’ouverture, appel et construction de l’unité de la personne (Mainville, 1994 ; Schüngel-Straumann, 2009). 

 

Cette triple étymologie précise la spiritualité autour de quelques mots-clés : l’esprit, le souffle, le mouvement, le principe de vie et d’unité de l’homme, le souffle créateur, la force d’inspiration, d’accompagnement et de conseil, l’élan vital. 

 

La spiritualité selon Michel Foucault

 

Se référant à l’ouvrage de Michel Foucault, L’herméneutique du sujet, (2001), Philippe Filliot (2020 ; 2011) retient sept traits caractéristiques de la spiritualité.  

 

1. La spiritualité est une transformation du sujet : « elle postule qu’il faut que le sujet se modifie, se transforme, se déplace, devienne dans une certaine mesure autre que lui-même pour avoir droit à [l’] accès à la vérité » (Foucault, 2001, p. 17). 

 

2. Pour que le sujet soit capable de vérité, il lui faut emprunter deux voies principales : celle de l’amour, l’erôs, celle de l’askêsis, l’ascèce, l’exercice. La spiritualité est ainsi « un travail de soi sur soi, une élaboration de soi sur soi (…) dont on est soi-même responsable » (ibid.). Cette « transmutation spirituelle », la transformation de l’être même, s’appuie sur une ascétique, « c’est-à-dire l’ensemble plus ou moins coordonné des exercices qui sont disponibles, recommandés, obligatoires même, utilisables en tout cas par les individus dans un système moral, philosophique, religieux, afin de parvenir à un objectif spirituel défini » (p. 398). 

 

3. Tout ce travail produit des « effets de retour » de la vérité sur le sujet : « La vérité, c’est ce qui illumine le sujet ; la vérité c’est ce qui lui donne la béatitude ; la vérité, c’est ce qui lui donne la tranquillité de l’âme » (p. 18). L’ascèse est dès lors philosophique : en écho aux conseils spirituels de Sénèque, Michel Foucault écrit : 

 

Ce dont il s’agit, c’est de faire siennes (facere suum) les choses que l’on sait, faire siens les discours que l’on entend, faire siens les discours que l’on reconnaît pour vrais ou qui vous ont été transmis pour vrais par la tradition philosophique. Faire sienne la vérité, devenir sujet d’énonciation du discours vrai : c’est, je crois, le cœur même de cette ascèse philosophique  (p. 317). 

 

4. La spiritualité se présente comme un retour sur, ou, à soi. « Ce mouvement de retournement vers l’intérieur (et de détournement de l’extérieur !) est une caractéristique essentielle de toute spiritualité », souligne Filliot (2011, p. 32). Il contredit l’attitude de divertissement pascalien qui conduit à se détourner de soi-même pour s’agiter superficiellement. 

 

5. La spiritualité est une trajectoire inscrite dans un double mouvement : mouvement vers l’intérieur de soi et mouvement de sortie hors de soi, dépassement de l’ego qui s’ouvre à l’altérité. Le retour sur soi-même n’est pas « un enfermement dans la sphère étroite du "moi". Au contraire, le travail spirituel implique obligatoirement un dépassement du soi, une sorte de décollement du sujet par rapport à lui-même qui peut aller jusqu’à la renonciation du moi » (Filliot, 2020, p. 33). Il s’agit, selon Martin Buber, de « commencer par soi, mais non finir par soi ; se prendre pour le point de départ, mais non pour but ; se connaître, mais non se préoccuper de soi » (1989, p. 42). 

 

6. La spiritualité revêt une dimension holistique que Filliot précise en ces termes : « la connaissance spirituelle est un processus de transformation impliquant obligatoirement l’être entier et concernant la vie dans sa totalité de manière holistique (holos en grec signifie "tout") » (2011, p. 34). Ainsi, la spiritualité rassemble ce qui est dispersé et unit ce qui est séparé. Les manières d’agir, d’être, de vivre, de penser ne sont plus séparées. 

 

7. La spiritualité se situe non dans un univers abstrait ou métaphysique, mais dans la vie réelle, quotidienne, pratique, concrète. « C’est avant toute chose une démarche de type expérimental, ou plus exactement expérientiel, qui prend à la fois comme point de départ et comme finalité l’existence elle-même » (Filliot, 2020, p. 36). 

 

En conclusion de ces apports de Philippe Filliot référés aux travaux de Michel Foucault, nous retenons trois affirmations. Tout d’abord, la spiritualité postule que le sujet se modifie, qu’il se transforme, dans une certaine mesure et jusqu’à un certain point, en un autre que lui-même. Ceci exige "un travail de soi sur soi", une "élaboration de soi sur soi" une "transformation progressive de soi sur soi" dont on est soi-même responsable grâce à des exercices et à une forme d’entrainement. Ensuite, la spiritualité, envisagée en tant que transformation du sujet, s’inscrit dans un double mouvement : un retournement vers l’intériorité et, en même temps, une sortie hors de soi qui ouvre à l’altérité. Enfin, la spiritualité irrigue la totalité de l’existence quotidienne du sujet qui habite le monde ; elle constitue un fil rouge, une cohérence souhaitée entre le penser, le dire et le faire. 

 

Vers une maturité spirituelle

 

La spiritualité contemporaine, désormais profane puisqu’elle n’est plus tributaire d’une religion ni d’un groupe religieux particulier – en contexte démocratique et républicain, dans la société occidentale – se présente comme un processus de construction de l’identité par le développement spirituel articulé autour de la rencontre avec soi et les autres : telle est l’affirmation centrale d’un colloque tenu à Québec sur Le développement spirituel en éducation (CAR, 2003). Il est fait référence aux travaux de Jean-Luc Hétu (2001) qui développe une approche profane de la spiritualité conçue comme une expérience subjective et comme un processus qui achemine la personne vers une maturité spirituelle en sept axes. 

 

1. L’ouverture à l’expérience met l’accent sur « l’ouverture à soi, qui permet de découvrir son identité en la menant tout droit vers l’authenticité, [qui] ne pourrait être possible sans qu’il y ait eu préalablement des échanges avec autrui, même si, par la suite, la personne se retranche dans son univers intérieur » (p. 93). 

 

2. La prise en charge s’exerce dans les situations difficiles de survie : elle est « cette capacité à maintenir, ou encore à rétablir, l’intégrité humaine, (…), une dimension qui rend l’être humain capable de déployer ses ressources et de renouer avec ses aspirations les plus profondes » (p. 84). 

 

3. Développer une sensibilité à la différence de l’autre permet de construire l’altérité, qui suppose l’empathie et la sympathie au service de l’élargissement des horizons. 

 

4. « Le lâcher-prise ou le détachement se déploient également en contexte incertain et provisoire de toute réalité humaine : cette vive prise de conscience d’étapes ou de passages nécessite l’abandon de certains comportements, croyances, attitudes, perceptions » (p. 85) ; elle oblige la personne à se redéfinir ou à découvrir des facettes et des ressources insoupçonnées de sa personnalité. 

 

5. La flexibilité est l’adaptation à l’imprévu, l’ouverture à l’acceptation de la confrontation avec d’autres idées et perceptions. 

 

6. La quête de sens « est ce fil conducteur qui met en valeur la trame de fond qui relie la perception de soi à celle du monde ambiant. [Elle] prédispose souvent la personne à prendre conscience que ce qu’elle est aujourd’hui dépend des réponses qu’elle s’est données hier et que ce qu’elle sera demain dépendra des réponses qu’elle se donne aujourd’hui » (p. 86). 

 

7. Enfin, l’intériorité est « cette capacité qu’a l’être humain de s’émerveiller en contemplant les images [et les situations] que lui offre la vie » (Ibid.). C’est également « la capacité de se laisser impressionner, c’est-à-dire de permettre qu’une lecture, qu’une pièce de musique ou que certaines scènes de films laissent en soi une impression en soi, parce qu’elles auront été particulièrement significatives » (Ibid.). 

 

Ainsi, la spiritualité, selon ce document québécois, est au cœur de la construction de l’identité par la reconnaissance et la rencontre de l’altérité. Elle s’inscrit dans un processus de développement visant une maturité spirituelle. Diverses capacités la construisent : l’initiative, la résilience, la recherche de sens, la flexibilité, l’adaptation à l’imprévu. 

 

Des spiritualités sans religions ni Dieu

 

« La spiritualité est au goût du jour. On ne compte plus les publications, livres, articles, interviews, reportages, documentaires sur le sujet » (Clapier, 2018, p. 11). Aurait-elle donc pris la place de la religion, des religions qui, selon Henri Pena-Ruiz, ne seraient qu’une figure de la vie spirituelle n’ayant pas de monopole particulier (2004) ? Cette question se pose dans les sociétés notamment occidentales, qui connaissent un déclin avéré, voire une chute libre, des religions instituées marquées par des dogmes, des institutions, des hiérarchies. Aujourd’hui, on peut « croire sans appartenance (believing without belonging) et appartenir sans croire (belonging without believing) » (Willaime, 2006, p. 762). L’élan actuel vers diverses formes de spiritualité se situe dans un contexte de laïcité certes, mais plus généralement de sécularisation, de retour du religieux, d’ignorance religieuse. « La sécularisation, précise Danièle Hervieu-Léger, ce n’est pas d’abord la perte de la religion dans le monde moderne. C’est l’ensemble des processus de réaménagement des croyances qui se produisent dans une société dont le moteur est l’inassouvissement des attentes qu’elle suscite, et dont la condition quotidienne est l’incertitude liée à la recherche interminable des moyens de les satisfaire » (1999, p. 42). L’ignorance ou l’inculture religieuse, qualifiée par Olivier Roy de Sainte ignorance pour Le temps de la religion sans culture (2008) favorise également un foisonnement de spiritualités plus ou moins construites et éphémères. Ainsi, les recherches actuelles sur la ou les spiritualités en éducation ne peuvent se satisfaire de la seule approche des différences entre les religions et les spiritualités, entre des réponses à exécuter et celles à choisir, entre les expressions collectives et individuelles ; il s’agit de situer la demande de spiritualité dans une société où la laïcité prend des expressions diverses, où le religieux existe encore et toujours, souvent sans les religions, ayant muté dans ses attentes, ses expressions, ses valeurs. 

 

Le philosophe André Comte-Sponville présente dans le cadre de sa recherche sur L’Esprit de l’athéisme une introduction à Une spiritualité sans Dieu (2006). Si l’on peut se passer de religion, on ne peut pas se passer de spiritualité qui est « la vie de l’esprit, (…), c’est-à-dire une chose qui pense, qui doute, qui conçoit, qui affirme, qui nie, qui veut, qui ne veut pas, qui imagine aussi, et qui sent. J’ajouterai : qui aime, qui n’aime pas, qui contemple, qui se souvient, qui se moque ou qui plaisante… » (p. 144). Ce spirituel, qui n’est pas synonyme de mental, de psychique, désigne « une partie somme toute restreinte – quoique peut être ouverte sur l’illimité – de notre vie intérieure : celle qui a rapport avec l’absolu, l’infini ou l’éternité. C’est comme la pointe extrême de l’esprit, qui serait aussi son amplitude la plus grande » (p. 145). 

 

Toujours selon André Comte-Sponville, cette spiritualité sans Dieu s’articule autour de trois piliers : la fidélité, l’action, l’amour. Elle valorise moins le rapport à l’absolu, à l’infini ou à l’éternité que le rapport à l’humanité, à la finitude et au temps. La spiritualité se développe au cœur du mystère de l’être, davantage en expériences qu’en pensées. Ainsi, l’immanensité est l’expérience banale et familière de l’immanence et de l’immensité ; en prendre conscience, « c’est aussi reconnaître sa propre petitesse, aidant l’esprit à se libérer, au moins en partie, de la petite prison du moi » (p. 157). Vivre le sentiment océanique, selon l’expression de Romain Rolland, c’est faire l’expérience d’un « sentiment d’union indissoluble avec le grand Tout, et d’appartenance à l’universel » (p. 159). Non pas extase, « plutôt une enstase : l’expérience d’une intériorité (mais qui me contient, et que je ne contiens pas), d’une immanence, d’une unité, d’une immersion, d’un dedans » (p. 164), qui transforme le rapport au monde, aux autres, à soi. Une autre expérience de la spiritualité est celle de la plénitude : « la suspension du manque. […]. Il y a parfois, rarement, des moments où l’on a cessé de désirer quoi que ce soit d’autre que ce qui est […] ou ce que l’on fait […], où l’on ne manque de rien, où l’on n’a plus rien à espérer, ni à regretter, où la question de la possession ne se pose plus (il n’y a plus d’avoir, il n’y a que l’être et l’agir) et c’est ce que j’appelle la plénitude » (p. 173). La simplicité permet également de s’oublier : « c’est être un avec soi, au point qu’il n’y a plus que soi : il n’y a plus que l’un, il n’y a plus que l’acte, il n’y a plus que la conscience » (p. 177). La mise entre parenthèses du langage et du discours fait vivre l’expérience spirituelle du silence : la parole, possible, cesse d’être nécessaire, elle demeure suspendue. « C’est ce que j’appelle le silence, qui est l’absence non de bruits mais de mots – non de sons, mais de sens » (p. 179). 

 

Si la sagesse, poursuit André Comte-Sponville, valorise le Carpe diem, la spiritualité invite au Carpe aeternitatem : « il n’y a rien à cueillir, et tout à contempler. […] Ainsi, le présent n’est plus à choisir (puisque tout choix n’existe qu’en lui) ; il est à habiter » (p. 184). Ataraxia en grec, pax en latin, quiétude et sérénité en français, c’est l’action sans peur. L’acceptation est encore une autre expérience spirituelle : « il s’agit de dire oui à tout ce qui est, à tout ce qui arrive. Mais c’est le oui de l’acceptation (tout est vrai, tout est réel), non de l’approbation ("tout est bien"). C’est le oui de la sagesse, non de la religion. […] Il n’y a que l’éternelle nécessité du devenir, qui est l’être vrai » (p. 188). Enfin, faire l’expérience spirituelle de l’indépendance, c’est « philosopher, c’est apprendre à se déprendre : on ne naît pas libre ; on le devient, et l’on n’en a jamais fini » (p. 196). 

 

Ainsi, la spiritualité, selon André Comte-Sponville se définit comme une expérience à vivre, tissée par diverses attitudes et vécue en diverses circonstances. Dépassant la spiritualité comme verticalité et intériorité, il propose de vivre au quotidien une « spiritualité de l’immanence plutôt que de la transcendance, et de l’ouverture plutôt que de l’intériorité » (p. 209). Ainsi, il s’agit de s’ouvrir au monde, aux autres, à tout : « ouvrez les fenêtres ! Ouvrez l’ego […]. L’esprit est cette ouverture […], pas le repliement douillet ou étriqué dans la vie "intérieure" » (p. 206). 

 

Les spiritualités en contexte éducatif et scolaire

 

En contexte éducatif et scolaire, les spiritualités de l’enseignant se vivent en périodes de crise entendues comme chronos et kairos du surgissement des questions et de l’opportunité de poser les questions clés et tenter de les résoudre. Il y a plus de 15 ans, l’OCDE menait une enquête sur les grandes difficultés à recruter des enseignants : « Comment attirer, former et retenir des enseignants de qualité ? » (Cros & Obin 2004). Quelques années plus tard, L’Haminot s’interrogeait : comment garder l’enthousiasme à enseigner ? (2012). L’exercice enseignant risque en effet de s’inscrire dans une routine, synonyme d’une immobilité et d’une résistance au changement qui protègent l’enseignant des évolutions inévitables et des adaptations nécessaires et le sédentarisent dans des espaces « striés par des murs, des clôtures, et des chemins entre les clôtures » (Deleuze & Guattari, 1980, p. 472), dans une école-sanctuaire (Pachod, 2019). L’enthousiasme initial des jeunes enseignants, leur feu sacré, se consume assez vite au contact des réalités scolaires et éducatives : comment prévenir le burnout et en guérir ? (Charfi & al., 2019). Déjà en 1989, Michael Huberman précisait que la trajectoire enseignante ne se déroulait pas de façon linéaire dans une continuité tranquille : entrée du métier, stabilisation, sérénité, distance, désengagement. 

 

Des tensions et des questions en contexte hypermoderne

 

Homme de la crise et dans la crise, l’enseignant débute sa carrière, l’exerce et la termine dans une école en crise ; il demeure un professionnel du temps et pour le temps de crise dans une société et une école hypermodernes composées de tensions et de paradoxes, « d’affirmation(s) qui, selon Barlow, allie(nt) deux positions contradictoires dans une perspective dynamique » (1999, p. 145). 

 

Développons trois paradoxes que vit l’enseignant en contexte scolaire et éducatif (Pachod, 2017). Dans un nouveau rapport aux autres, la société hypermoderne valorise souvent l’éphémère et le provisoire, la réaction immédiate, affective, sensationnelle, la compétition, la concurrence et l’opposition, le dépassement constant et la recherche continue de l’excellence. À l’école et en classe, l’enseignant incite et invite les élèves à vivre et à faire vivre un engagement durable et réfléchi, une distance et un recul qui construisent la réflexion, la coopération, la création de liens de solidarité dans une dynamique d’un vivre ensemble différents et complémentaires. L’enseignant s’interroge : pourquoi et comment continuer à promouvoir une éthique de responsabilité en développant une coopération et une complémentarité au sein de relations de compétition et de concurrence ? 

 

Dans un nouveau rapport au temps, l’individu hypermoderne vit dans le TTU, le Tout Très Urgent, l’intense et le momentané, l’immédiat, les liens successifs et éphémères, il surfe sur les modes et les réseaux sociaux, il demeure dans une agitation permanente. L’urgence « grise l’individu, elle le drogue et l’étourdit, lui laissant aux lèvres le regret de l’intensité, mais en minant en lui la capacité de se projeter dans le temps » (Aubert, 2003, p. 124). Comment inscrire les enseignements et les apprentissages dans une programmation et une progression alors que les élèves – et les professeurs, eux aussi – vivent dans l’instantané et l’éphémère dans un monde marqué par l’incertitude du lendemain ? Comment former l’esprit critique sans la patience de la recherche, sans les nuances du débat, sans les références des analyses ? 

 

Dans un nouveau rapport à soi, la société actuelle incite l’individu à se surpasser de façon continue en innovant sans cesse, en restant le meilleur et le leader, à user de la débrouillardise et l’opportunisme, à veiller à la visibilité des résultats et à la performance des classements. À l’école et en classe, l’enseignant valorise l’accompagnement personnalisé des élèves en difficultés, l’autonomie et les progrès, l’accompagnement fait de tact et de retenue. Comment veiller à rendre les élèves libres, autonomes, responsables, en dépassant la répartition binaire entre gagnants et perdants, conquérants et assistés, winners et losers ? 

 

Les tensions et les questions sont nombreuses, les réponses peuvent être diverses. Une première réponse peut être d’ordre technique et instrumental. Le solutionnisme technologique porte à croire que « pour tout résoudre, cliquez ici » (Morozov, 2014). Les didactiques des disciplines, les diverses boites à outils à l’usage des enseignants, peuvent appartenir à cet ordre. Une autre réponse peut être déontologique. La connaissance et l’application de guides de bonnes pratiques, de règles professionnelles encadrent et cadrent des pratiques en réponses approuvées et approuvées par des pairs, en conformité à un référentiel de compétences. En choisissant de construire une éthique au quotidien, l’enseignant développe une autre réponse : un état d’esprit réflexif sur les finalités de l’enseignement et de l’éducation, sur les points cardinaux de l’enseignant (instruire, éduquer, former, socialiser), sur les principes de l’éducabilité et de la relation pédagogique visant l’émergence d’un sujet libre, épanoui, autonome. « Mettre le "comment" de l’existence dans la perspective "d’un pourquoi" est, à n’en pas douter, une façon possible de définir la vie spirituelle » (Zumstein, op. cit., p. 29). Cet élan professionnel se construit par un travail sur soi et avec les autres, comme le soulignait Michel Foucault, sur l’identité de l’enseignant, ses missions actuelles et singulières au service de la formation des hommes d’aujourd’hui et de demain. Avant d’être réponses, cet élan et ce souffle du professionnel de l’éducation et de l’enseignement sont espaces et temps de questionnement que nous articulons depuis de nombreuses années autour de deux paradigmes. Le premier est d’ordre éducatif : quel(s) homme(s) former pour le(s) faire habiter quel(s) monde(s) et vivre quelles valeurs ? Le second est d’ordre didactico-pédagogique : quel enseignant forme quels élèves dans quelle école, selon quelles pédagogies et méthodes, avec quels partenaires, au service de quelles finalités ? 

 

Un état d’esprit et un ralentissement salutaire

 

En appui sur notre approche étymologique et en application à l’enseignant, les spiritualités se définissent comme un souffle professionnel, une force qui met en mouvement, un principe de vie et d’unité dans son exercice au sein de la classe, de l’école, de l’environnement scolaire et éducatif. Leur caractère situé et continu va construire une attitude qui, selon Renald Legendre est « un état d’esprit (sensation, perception, idée, conviction, sentiment, etc.), disposition intérieure acquise d’une personne à l’égard d’elle-même ou de tout son environnement (personne, chose, situation, idéologie, mode d’expression, etc.) qui incite à une manière d’être ou d’agir favorable ou défavorable » (1993, p. 112). Cet état d’esprit ne cesse de se construire et de s’exprimer autour d’une triple cohérence entre le penser, le dire, le faire. Il s’agit de dire ce que l’on fait et de faire ce que l’on dit, sans oublier de penser sur ce qui est dit et fait. C’est cette troisième dimension qui définit un enseignant professionnel, praticien réflexif et responsable, et non un applicateur zélé de programmes. Il réfléchit certes sur les trois étapes de l’action (avant, pendant, après) ; en réfléchissant à propos de et à partir de l’action, il inscrit son action dans une spiritualité définie comme pneuma et ruâh : la force qui met en mouvement, l’espace de vie et de création, source d’initiative, au service de la construction et de la réalisation de finalités éducatives inscrites dans des visées et des projets dépassant l’immédiat. 

 

Prendre le temps de réfléchir sur sa pédagogie, sa didactique, sa manière d’être avec les élèves en référence et en visée à des finalités éducatives dont les résultats aux enquêtes nationales ou internationales demeurent des indicateurs, c’est répondre à deux questions : « Enseigner, oui, mais pourquoi ? » « Enseigner, oui, mais pour quoi ? » Ces questions devraient demeurer premières au début et en cours de carrière de l’enseignant. Les réponses individuelles et partagées fondent et enracinent les raisons d’être et d’agir. L’oublier, c’est risquer de limiter l’exercice enseignant à des didactiques à appliquer, à l’acquisition d’outils et de méthodes supposées efficaces, c’est réduire la mission et l’acte d’enseigner à l’application stricte et contrôlée de compétences techniques et instrumentales, c’est oublier la dimension humaine de toute situation d’enseignement et d’apprentissage inscrite dans une relation pédagogique. 

 

Mais de quel temps consenti par l’institution dispose l’enseignant pour situer, orienter, référer son action ? Par jour, par semaine, par année, au cours d’une carrière ? Poser la question, c’est reconnaître que la réalité sociale et professionnelle est à l’accélération du temps qui permet de faire plus de choses en moins de temps, avec « une augmentation du nombre d’épisodes d’action ou d’expérience par unité de temps », précise Rosa (2014, p. 25). L’enseignant doit toujours faire plus, avec toujours moins de temps, pour de meilleurs résultats. Face à cette aliénation et à cette accélération du temps individuel et professionnel, ce sociologue et philosophe propose d’instaurer des « oasis de ralentissement en vue de « recharger les batteries et de redémarrer » (Ibid., p. 114). Les spiritualités religieuses ou non invitent à prendre régulièrement des temps de retrait, de retraite, de prise de distance réflexive, d’orientation et de réorientation professionnelle. La spiritualité fait l’éloge de la lenteur et invite au ralentissement. Les propos que tient le philosophe Olivier Abel sur les religions conviennent aux spiritualités : « les religions ne sont pas des machines à accélérer, ce sont des machines à ralentir, à retarder. Ce sont des machines qui introduisent de l’intrigue, du retard, de la complication ; non pas au sens intellectuel, mais au sens de la méditation, du trouble de l’interprétation ; éventuellement un conflit dans l’interprétation, un désaccord avant qu’une proposition ne soit faite » (Ibid., p. 79). 

 

Ce ralentissement est salutaire : il met au cœur de la spiritualité la question et la quête du sens. Pour aider les élèves à trouver du sens à l’école, l’enseignant est appelé, selon Michel Develay, à devenir « un homme de bon sens [qui] est un individu qui a la capacité de juger sereinement, sans passion. […]. Le sens nous parait correspondre à la capacité à penser sereinement en fixant une direction à sa réflexion. […] Le sens est au cœur de la construction de la personne. Donner un sens à son action, à sa vie, c’est se donner un dessein, une fin, un projet personnel et plus tard professionnel, c’est se construire une identité » (1996, p. 90-91). L’identité professionnelle de l’enseignant se construit en travaillant le sens de son action, en prenant la distance de la réflexion, en fondant et refondant les raisons profondes, et souvent initiales, de son choix et de son engagement au service de l’éducation. 

 

L’enthousiasme initial et éprouvé en diverses circonstances demande à être travaillé, actualisé, seul et avec d’autres. Dans son ouvrage intitulé Développer la pratique réflexive dans le métier de l’enseignant (2001), Philippe Perrenoud invite à les formateurs à « travailler sur le sens et les finalités de l’école sans faire œuvre de mission »  (p. 159-160 ) : aménager une place pour un débat sur le sens et les finalités de l’école ; renvoyer chaque enseignant à son histoire de vie, à ses origines, ses affiliations, ses révoltes, son projet ; faire travailler les enseignants sur leur désir d’enseigner ; faire prendre conscience entre les intentions et les actes ; travailler sur l’autonomie ; développer une réflexion éthique. 

 

Les analyses présentées par Hartmut Rosa, en référence aux travaux de Walter Benjamin, pourraient être travaillées en groupes de spiritualités enseignantes. Il invite à distinguer les Erfahrungen et les Erlebnissen : « les Erlebnissen (c’est-à-dire les épisodes d’expérience) et les Erfahrungen (les expériences qui laissent une trace, qui sont connectées, ou sont en relation permanente, avec notre identité et notre histoire ; les expériences qui atteignent ou transforment ceux que nous sommes. Et il [Walter Benjamin] faisait la suggestion que nous pourrions bien approcher d’une ère qui serait riche en Erlebnissen mais pauvre en Erfahrungen » (2014, p. 131). Ainsi, vivre les spiritualités et vivre de spiritualités, c’est se dire et partager avec d’autres ce à quoi l’on tient et qui vous tient. 

 

Quelques traits des spiritualités de l’enseignant

 

État d’esprit, souffle, élan vital, force qui met en mouvement, mouvement intérieur et extérieur, plénitude : les termes ne manquent pas pour définir les spiritualités. Un emprunt à la culture traditionnelle sénégalaise invite à présenter quelques traits des spiritualités de l’enseignant qui souhaite devenir penseur, porteur d’eau et conteur. 

 

Le penseur

1 Le penseur - Collection personnelle André Pachod 

Le penseur africain n’a pas de montre, il a le temps pour lui. Régulièrement, il s’arrête sous l’arbre à palabres pour apprendre à penser, pour organiser sa pensée et se demander ce qui est essentiel dans la vie, ce qui résiste à l’usure du temps et des modes. L’enseignant souhaitant devenir penseur prend le temps d’être pédagogue, de questionner la pratique et de pratiquer la question. Homme de la patience et de la recherche, il est phronimos, homme de la prudence, de la patience, de la vigilance. Il s’interroge sur les fondamentaux et le sens de l’éducation, de la transmission, de la formation, soucieux d’éduquer aujourd’hui pour demain et d’aider l’élève à entrer en projet personnel et professionnel. Il a appris et fait apprendre à poser les problèmes, appelé à devenir le sage qui sait éviter les problèmes que le technicien aurait su résoudre. Sa spiritualité est celle des rois mages de la Bible : ils s’en retournèrent par un autre chemin, après avoir cherché, interrogé, écouté, rencontré. 

 

Le porteur d’eau

2 Le porteur d’eau. Col. Pers. André Pachod 

 Le porteur d’eau va au puits, il cherche la source des savoirs, il indique une source qui ne tarit pas, il reçoit et donne les méthodes pour puiser, il montre le chemin qui y mènera en son absence. Homme du sens de la vie, de l’utopie créatrice et de l’éducation continue, l’enseignant souhaitant devenir porteur d’eau évolue en recherche d’équilibre entre des contraires et des tensions, entre utopie et réalités, souvent en rupture avec ses contemporains. Pour lui, « éduquer, c’est viser à l’émergence de quelqu’un qui nous échappe et que nous renonçons à contrôler, c’est se dégager de notre désir de faire du bien de l’autre à sa place » (Meirieu, 2002, p. 2). Sa spiritualité est celle du pédagogue qui accompagne, toujours provisoirement et jamais définitivement, l’enfant vers l’école. 

 

Le conteur

3 Le conteur. Col. pers. André Pachod 

Venant d’ailleurs, le conteur apporte d’autres questions, d’autres réponses, d’autres problèmes et solutions. C’est l’homme du triple A, non économique, mais éducatif : il souhaite un ailleurs et un autrement au réel et invite à un au-delà de l’immédiat et du visible. L’enseignant souhaitant devenir conteur est un pontifex, il construit et fait construire des ponts entre les hommes, les savoirs, les cultures. Avec les pierres dont il dispose, il ne dresse pas des murs, il établit des passerelles entre les institutions et les personnes, entre les maîtres et les élèves, entre les parents et les enseignants, entre l’école et son environnement. Sa spiritualité est celle du marcheur qui ouvre le local à l’universel, qui invente des espaces nouveaux et créatifs. 

 

Conclusion

 

La spiritualité frappe également aux portes de l’éducation, de l’enseignement, de l’école. De nombreuses recherches québécoises, plus récemment françaises, traitent des liens entre spiritualité(s) et religion(s), spiritualité et éducation, spiritualité et laïcité, l’éducation spirituelle, l’éducation au cheminement spirituel des élèves. Notre contribution a privilégié les spiritualités de l’enseignant dans le contexte actuel, souhaitant participer à un triple chantier. Le premier porte sur la conceptualisation des spiritualités en éducation et en enseignement. Le deuxième concerne tous les acteurs de l’éducation, plus particulièrement l’enseignant. Le troisième nous situe en histoire de l’éducation et de l’école. La question et la réalité des spiritualités de l’enseignant ne sont pas nouvelles, elles étaient des expressions d’une foi laïque et/ou religieuse en milieu scolaire. Le fameux Code Soleil qui a formé des générations d’instituteurs de 1923 à 1989 n’était-il pas une expression d’une spiritualité d’un enseignant, missionnaire et apôtre de l’école de la République ? Ces chantiers ouvrent des espaces que les sciences de l’éducation et de la formation peuvent investir avec pertinence, problématiser afin de participer à la formation des enseignants d’aujourd’hui et de demain, et de questionner, selon les termes de Laurence Loeffel, « la dimension spirituelle de la laïcité » (2013, p. 228). 

 

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Annuel de la recherche en philosophie de l’éducation ISSN 2779-5292