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mardi 28 mars 2023

Pour citer ce texte : KERLAN, A.. (2023). De l’art comme politique éducative en régime esthétique Annuel de la Recherche en Philosophie de l’Education , 3 ,
[https://www.sofphied.org/annuel-de-la-recherche-en-philosophie-de-l-education/arphe-2022/dossier/article/de-l-art-comme-politique-educative-en-regime-esthetique]

De l’art comme politique éducative en régime esthétique 

 

Alain Kerlan, professeur des universités honoraire
Université Lumière Lyon 2, Laboratoire ECP 

 

Résumé : « Le terrain esthétique », écrit Rancière aux premières pages du Partage du sensible, « est aujourd’hui celui où se poursuit une bataille qui porta hier sur les promesses de l’émancipation et les illusions et désillusions de l’histoire ». Cette bataille se poursuivait aussi, par les moyens de l’esthétique et des artistes, sur le terrain de l’éducation. Le chemin esthétique vers la liberté initié par les Lettres sur l’éducation esthétique de l’homme de Schiller passe par les ouvriers saint-simoniens rêvant de l’émancipation par l’art, passe par l’expérience éducative et politique du Black Mountain College. Il passe aujourd’hui par des artistes qui font le choix de mettre en œuvre dans l’école le potentiel éducatif de l’art, résistant à son instrumentalisation. 

 

Mots-clés :
Art, esthétique, émancipation, éducation artistique, résidence artistique

 

Abstract : “The aesthetic terrain”, writes Rancière on the first pages of Le Partage du sensible, “is today where a battle continues which yesterday focused on the promises of emancipation and the illusions and disillusions of history”. This battle also continued, through the means of aesthetics and artists, in the field of education. The aesthetic path to freedom initiated by Schiller's Letters on the Aesthetic Education of Man passes through Saint-Simonian workers dreaming of emancipation through art, passes through the educational and political experience of Black Mountain College . Today, it passes through artists who choose to implement the educational potential of art in schools, resisting its instrumentalization. 

 

Keywords :
Art, emancipation, aesthetic, artistic education, artistic residency

 

 

La voie de l’esthétique pour aborder philosophiquement les questions de politique éducative n’est certes pas le chemin le plus courant ; la voie royale demeure celle de la philosophie politique. Et pourtant, si l’on veut bien s’y pencher, l’histoire de la philosophie, comme celle de l’éducation, en témoignent : le sort de l’art en éducation n’est pas débattu sans que soient posées quelques questions déterminantes du point de vue politique, du point de vue de la cité qu’on a en vue, du point de vue de la perspective de l’émancipation. 

 

La voie esthétique a sa scène inaugurale, sa scène primitive. Elle se tient au Pirée, et la dramaturgie en est platonicienne. Le sort des poètes et des artistes dans la cité éducative nécessaire à la pérennité de la Cité juste y est décidé avec le verdict d’exclusion que chacun sait. Et avec un succès particulièrement durable : on en trouve encore des échos dans l’œuvre éducative d’un Durkheim, où l’on pourrait rassembler un éloquent florilège des propos affichant la plus grande défiance à l’égard de l’art et une vaste diversité d’arguments en sa défaveur, allant de l’épistémologique au politique, et passant bien sûr par la morale. Comme le dit la sagesse populaire, quand on veut se débarrasser de son chien, on lui trouve toujours des puces. 

 

1. Quatre scènes d’éducation, aux croisements de l’art et de la politique

 

Mais je ne m’attarderai pas plus longtemps sur ce début bien connu. Je consacrerai un premier développement à l’évocation de quelques autres scènes inscrites dans notre modernité et dans lesquelles la place et le rôle de l’art en éducation sont bien des enjeux de premier plan. Les quatre scènes auxquelles je me tiendrai sont abordées dans un ordre chronologique, mais il ne faut pas y voir un enchaînement historique, encore moins une causalité historique. Disons qu’il s’agit de gros plans, de focus sur quelques moments significatifs. 

 

1.1. Quand l’esthétique interpelle le politique : les Lettres de Schiller

 

La première scène est datée de l’année 1795. C’est l’année ou Friedrich Von Schiller, poète, dramaturge, philosophe, lecteur de Kant (la Critique du jugement est parue en 1790), et porté par le souffle de liberté qui vient de France et gagne l’Europe, rédige et adresse à qui de droit ses vingt-sept Lettres sur l’éducation esthétique de l’homme. Le destinataire est un prince éclairé, le duc Christian-Frédéric de Holstein-Augustenburg. Les lettres que Schiller lui adresse ont un seul et même but : le convaincre que l’art, et l’art seul, peut pleinement éduquer l’homme. Lui persuader, non pas qu’il faut faire place dans une éducation équilibrée à l’esthétique, mais bien que l’éducation esthétique est l’éducation de base nécessaire à l’humanité, que le sort de l’humanité en dépend, et qu’il faut donc commencer par-là. En 1795, nous sommes à la fin d’un siècle qui s’achève dans la tourmente révolutionnaire. Le problème politique est celui du sort de la liberté. Schiller n’ignore en rien ce qu’il peut y avoir d’étrange, d’incongru, à se préoccuper d’art et d’esthétique dans de telles circonstances, et il l’exprime sans détour dès le début de la lettre 2 : « N’est-il pas au moins intempestif d’aller à la recherche d’un code pour le monde esthétique, alors que les affaires du monde moral présentent un intérêt bien plus immédiat, et que l’esprit d’examen philosophique est si vivement excité par les circonstances actuelles à s’occuper de la plus accomplie de toutes les œuvres d’art, l’édifice d’une véritable liberté politique ? » (1992, p. 87). Il va même jusqu’à dire que la faveur de l’art ne pèse pas lourd dans un siècle où « c’est le besoin qui règne », où « l’utile est la grande idole de l’époque » (p. 89). C’est donc en connaissance de cause qu’il annonce au duc à la fin de la deuxième lettre ce que toutes les autres lettres s’efforceront d’expliquer et d’étayer : « Pour résoudre pratiquement le problème politique, c’est la voie esthétique qu’il faut prendre, parce que c’est par la beauté qu’on s’achemine à la liberté » (p. 91). Oui, l’enjeu est bien celui de la liberté. 

 

Je ne développerai pas ici les raisons qu’avance Schiller à l’appui de sa thèse à la fois politique et éducative. Il suffit que je dise qu’elle repose sur une conception de la nature humaine, sur l’anthropologie d’une nature humaine divisée, écartelée entre raison et instinct, division qui ne permet pas à la liberté pleine de s’accomplir, soit que la nature sensible aveugle la raison, soit que « l’instinct formel » étouffe « l’instinct sensible ». Sans une éducation qui assure le dépassement de cet antagonisme, la liberté politique ne peut advenir. Et c’est la tâche de l’éducation esthétique que de le permettre. 

 

Je n’entre donc pas dans les détails et la discussion de cette thèse. Mon objectif, dans l’évocation de mes quatre scènes, est d’ordre général. Ce sont des scènes qui témoignent qu’il existe, dans l’histoire moderne, une pensée et une pratique de l’émancipation qui empruntent les chemins de l’art et de l’esthétique. 

 

1.2. Quand l’art rebat les cartes de l’émancipation

 

La deuxième scène se situe autour des années 1830. Ses acteurs sont des ouvriers et ouvrières proches du saint-simonisme. C’est un livre de Jacques Rancière qui les a tirés en 1981 de l’oubli où ils étaient tombés : La nuit des prolétaires, sous-titrée : Archives du rêve ouvrier. 

 

Ils ne sont sans doute pas très nombreux, mais illustrent la pénétration dans le monde ouvrier de cette pensée et de cette pratique de l’émancipation par la voie esthétique. Ouvriers et ouvrières le jour – tailleurs, menuisiers, raboteurs, lingères, typographes – ils se font la nuit poètes, peintres, écrivains. Prélevant, sur le temps du repos que leur condition voue à la reproduction de la force de travail, le temps de l’art et de la pensée. Ils illustrent pleinement ce que Jacques Rancière appellera ultérieurement « le partage du sensible » (2000), refusant, par le geste, par l’engagement, le partage du sensible imposé. Le « rêve ouvrier » est ici celui d’une émancipation passant d’abord par la rupture de l’ordre du temps qui destine les uns aux privilèges de la pensée et de l’expression, les autres aux servitudes du travail. Bien sûr, l’intérêt que porte Rancière à ce moment de l’histoire ouvrière est qu’elle témoigne, avant le socialisme scientifique de Marx, d’un socialisme porteur d’une autre conception de l’émancipation. Toutefois, l’émancipation n’y est pas présentée comme l’effet, la conséquence d’une éducation artistique ou d’une pratique artistique. Si la pratique de l’art et celle de la pensée ont une portée émancipatrice, l’émancipation se tient d’abord dans la décision de rompre le partage qui enferme dans la condition ouvrière, de refuser la répartition des parts qui réserve à quelques-uns l’exercice libre de l’art et de la pensée, et aux autres la contrainte des corps et le poids de la matière à œuvrer. 

 

C’est à la lumière de ce thème du partage du sensible que Rancière lit Schiller et qu’il considère que « l’idée schillérienne de l’Éducation esthétique de l’homme » demeure « la référence indépassable » (1999). Elle permet de concevoir le champ de l’art et de l’esthétique comme « un état de double annulation où activité de pensée et réceptivité sensible deviennent une seule réalité, constituent comme une nouvelle région de l’être » (idem). En effet, dès lors que l’art est devenu autonome (entré en « régime esthétique », dans le vocabulaire conceptuel de Rancière), l’œuvre se conçoit comme « effectuation directe de la pensée dans les formes sensibles » (idem). Formellement, dans cette région, le partage du sensible imposé se trouve annulé, et se trouve établie, effective, l’égalité que ce partage interdit. Le privilège que donne Schiller à l’éducation esthétique, pour former une humanité susceptible de vivre dans une communauté politique libre, peut être revisitée à partir de là. 

 

1.3. Quand l’art tape à la porte de l’école

 

La troisième scène a pour centre une interrogation qui relève bien de la politique éducative, de la politique éducative des arts. Nous sommes dans les années 1880, et la question porte sur la place qu’il convient de donner à l’art, à l’éducation artistique, à la fonction qui leur incombe dans l’école du peuple, l’école de la République… Sur cette scène, s’opposent un artiste réputé, sculpteur, Eugène Guillaume, et un philosophe, Félix Ravaisson1 .  

 

À première vue, l’enjeu semble ne relever que de la cuisine pédagogique. Il s’agit de répondre à la question : comment enseigner le dessin ? Et tout particulièrement : comment enseigner le dessin à l’école élémentaire ? S’opposent alors deux réponses, deux conceptions révélatrices des enjeux politiques et philosophiques de l’entrée de ce qui touche à l’art dans l’école. 

 

L’ensemble des articles du Dictionnaire de Ferdinand Buisson qui relèvent de l’enseignement artistique en témoigne2 .  

 

Le sculpteur Eugène Guillaume défend ce qu’on appelle le dessin linéaire, ou encore le dessin géométrique. Il en prône la généralisation dans l’enseignement élémentaire, et même dans l’enseignement secondaire. Félix Ravaisson, à l’inverse, défend le dessin artistique et l’éducation esthétique pour tous. Mais c’est bien Guillaume qui triomphera, et le dessin géométrique régnera dans les écoles pendant une trentaine d’années, jusqu’à la réforme de 1909. 

 

Pourquoi ? On peut avancer deux raisons. La première est que le dessin linéaire, géométrique, s’ancre pleinement dans la philosophie révolutionnaire et républicaine d’une instruction rationnelle, fondée sur la raison et la science. Le dessin linéaire se présente comme une langue fondamentale, universelle, en rapport avec la géométrie, avec l’arpentage, utile aux métiers et à l’industrie3 .  

 

La seconde raison est que le dessin linéaire en instruisant moralise : il est l’apprentissage d’une discipline qui engage ensemble l’esprit et la main, la raison et le corps. En d’autres termes, comme l’écrit Guillaume lui-même sans la moindre ambiguïté : le dessin linéaire « discipline les esprits » (DPI, p. 685). Et dans la foulée, Guillaume se fait l’écho d’une crainte qui semble monter dans le siècle : « Par là on apaise la crainte souvent manifestée de susciter chez l’ouvrier, les aspirations de l’artiste » (idem). Guillaume a-t-il alors en tête le « mauvais exemple » que donnent les ouvriers saint-simoniens prétendant, par leurs poèmes arrachés au temps normalement dévolu à la reproduction de la force de travail, rivaliser avec Victor Hugo ? 

 

Si donc il relève du choix d’une instruction par la raison, le dessin linéaire est bien également partie prenante « du projet d’inculcation-moralisation des masses », de « domestication des enfants des couches populaires ou, à tout le moins, de conservation sociale », comme l’écrit Jocelyne Beguery dans l’étude qu’elle consacre aux entrées du Dictionnaire relevant de l’éducation artistique (2003, p. 236). C’est à ces différents titres qu’il est conforme aux exigences de la forme scolaire et qu’il entre et régnera durablement dans l’école. 

 

Voilà donc ce qui entre dans l’école. Mais qu’est-ce qui en est exclu ? La réponse est à chercher du côté du vaincu, de ce que défendait Ravaisson. Une phrase de l’article « Art » du Dictionnaire, sous sa plume, que je cite dans l’édition de 1911 – Nouveau dictionnaire de pédagogie et d’instruction primaire – pourrait suffire à en résumer la doctrine pédagogique : 

 

 « S’il est vrai que rien n’a plus d’attrait pour l’imagination que ce qui est beau de sorte que ce sens du beau qu’on appelle le goût est ce qui est le plus propre et à la susciter et à la cultiver, ne faut-il pas accorder que la première place devrait appartenir et dans tout système d’instruction et dans l’instruction primaire surtout, à la poésie et à l’art ? » (p. 105) 

 

Difficile de ne pas entendre là un écho des Lettres de Schiller… Écho aussi à la célèbre formule de Schiller à la fin de la deuxième lettre : « c’est par la beauté qu’on s’achemine à la liberté », cette autre formule de Ravaisson : « la beauté est le mot de l’éducation » (p. 106). Dominique Janicaud en fait le constat : « Ravaisson, comme Schiller, essaie de trouver une voie moyenne, une médiation, entre l’intellectuel et le sensible. Chez l’un comme chez l’autre, cette médiation est la beauté qui nous introduit et nous initie à la moralité » (p. 119). 

 

La doctrine éducative de Ravaisson repose sur son refus de couper le lien entre le dessin et l’art, et donc sur le refus de la réduction de ce qui est de l’ordre de l’art à l’ordre de la rationalité scientifique et à sa logique. Le point de vue esthétique vaut par lui-même et sa valeur, sa légitimité, fondent la nécessité et la légitimité de l’éducation esthétique pour tous, d’une éducation générale du goût. C’est cette éducation-là que Ravaisson voulait voir mise en œuvre dans l’école du peuple, une éducation qui prenne en compte les vertus émancipatrices de l’éducation esthétique. 

 

C’est en somme à un nouvel épisode d’émergence d’un paradigme esthétique en éducation4 , certes encore pris dans sa gangue spiritualiste, que renvoie l’opposition de Ravaisson à Guillaume.  

 

1.4. Quand l’art s’installe au cœur de l’université : Le Black Mountain College

 

Cette quatrième scène est beaucoup plus proche de nous. Ses dates sont celles qui indiquent le début et la fin d’une institution universitaire américaine que l’on qualifierait aujourd’hui d’université « expérimentale ». Le Black College Mountain a été fondé en 1933, par John Rice, un lecteur de John Dewey, lecture dont il avait tiré la conviction que la révision des méthodes et des finalités de l’éducation étaient nécessaires à la démocratie. Jusqu’à sa fermeture, en 1956, le BMC aura été « le laboratoire majeur des initiatives les plus neuves ayant vu le jour aux États-Unis, sur le triple plan artistique, éducatif et politique » (Cometti et Giraud, 2014, p. 9). Trois plans étroitement liés, mais dans une relation qui confère à l’art une place centrale. De Art as experience, que sans doute il sut lire aussi à la lumière de la pensée éducative de Dewey, John Rice retient non seulement l’idée que l’art doit impérativement être soustrait au statut d’exception dans lequel l’histoire et les institutions l’ont enfermé, mais aussi que la réparation d’une éducation défaillante doit conduire à installer l’art et l’expérience esthétique au cœur de l’enseignement. Et c’est à des artistes qu’il fit appel pour mettre en œuvre ce programme. Joseph Albers se vit confier les enseignements artistiques. L’histoire de BMC, au cours de ses 23 années d’existence, est marquée par le rôle qu’y jouèrent des artistes de premier plan, comme les plasticiens Willem de Kooning et Robert Rauschenberg, qui y fut élève, Franz Kline, les poète Robert Duncan et Charles Olson, le musicien John Cage et le danseur chorégraphe Merce Cunningham, tous deux prenant en charge les sessions d’été 

 

2. Intermède : Où en sommes-nous ?

 

Mes quatre scènes avaient pour but de montrer qu’une conception émancipatrice de l’éducation artistique – et donc une conception de l’émancipation qui ne loge pas toute sa dynamique dans les savoirs – qu’une autre conception donc, sinon opposée, au moins complémentaire, non seulement existait, allait son chemin sur des voies diverses, mais que de plus elle pouvait se prévaloir de solides fondements philosophiques et politiques. Alors il faut bien s’interroger : Où en sommes-nous aujourd’hui ? Ou bien, pour le dire autrement, de quoi l’EAC est-elle aujourd’hui le nom ? 

 

Répondre pleinement à cette question passerait par le préalable d’une étude de la politique éducative conduite depuis au moins les ministères Lang jusqu’au ministère Blanquer inclus. Je ne peux ici que  m’en tenir à un ensemble de constats qui conduisent à reformuler ma question en en soulignant les enjeux philosophiques et politiques : Qu’en est-il aujourd’hui de l’ambition émancipatrice de l’éducation artistique ? Que reste-t-il de cette ambition sous le nom, sous le sigle EAC ? 

 

1) Le premier constat porte sur l’existence, l’institutionnalisation, sous le sigle EAC, de ce qu’il faut appeler expressément une politique éducative des arts. En entendant par-là une politique éducative qui prend appui sur les arts pour mettre en œuvre un projet éducatif global, se développant dans ses dimensions sociales, morales, politiques, et même économiques. Il ne s’agit pas seulement d’un aménagement de programme visant à faire plus de place aux enseignements artistiques trop longtemps minorés. 

 

2) Le deuxième constat relève dans cette politique d’apparents accents schillériens – l’idée de l’éducation artistique comme clé d’une harmonie de chacun garante de l’harmonie sociale et collective au sein de la Cité – à laquelle fait écho cette formule qu’on pouvait lire dans la préface des Nouveaux programmes de 2002 : « un élève épanoui dans chacune de ses facultés se sent mieux avec lui-même comme avec les autres ». On peut même y entendre des échos de ce que Luc Boltanski et Ève Capiello, dans Le Nouvel esprit du capitalisme, appelaient la « critique artiste » du capitalisme, dénonçant l’oppression exercée sur ceux qui sont soumis à son empire, sur leurs capacités créatrices, leur autonomie, et les conséquences néfastes de son règne sur les modes de vie et les cultures humaines, voire des tonalités qui ne sont pas sans évoquer la critique radicale de l’École de Francfort, notamment d’Adorno. 

 

3) Mais ce constat doit composer avec un autre : la politique éducative des arts est aussi traversée par une préoccupation de contrôle social, par ce qu’Eugène Guillaume, chantre du dessin linéaire appelait, « la discipline des esprits ». Elle est explicite dans un passage de la conférence de Jack Lang en décembre 2000 : par la pratique artistique, y est-il expliqué, « l’enfant cerne son identité, affirme sa personnalité, rencontre les autres sur des bases créatrices, constructives, et, en définitive, apaisées ». Ici, c’est bien le dernier qualificatif qui vend la mèche. La visée d’apaisement n’a pas la brutalité « du projet d’inculcation-moralisation des masses », de « domestication des enfants des couches populaires », que Jocelyne Beguery décèle dans le choix du dessin linéaire ; mais il ne peut manquer d’y faire écho. 

 

4) D’autant moins qu’il recoupe un quatrième constat : les valeurs associées à l’EAC se révèlent proches des valeurs portées par le néolibéralisme, par le nouveau capitalisme. Comme l’ont bien montré également Boltanski et Chiapello, la réponse néo-managériale du capitalisme à la critique artiste a consisté à détourner et intégrer à son profit les valeurs au nom desquelles cette critique était menée : elles sont réappropriées dans les thèmes de l’authenticité, de l’individualisation, de l’épanouissement, de la créativité. Le seul titre d’un ouvrage de Pierre-Michel Menger, paru en 2002, et qu’on peut lire dans le prolongement du Nouvel esprit du capitalisme, suffit à dire l’essentiel. Le voici : Portrait de l’artiste en travailleur. Métamorphoses du capitalisme. 

 

5) À ces constats, il faut ajouter que cette politique dont ils soulignent l’ambiguïté et l’ambivalence fait désormais l’objet d’un consensus. Plus personne aujourd’hui n’oserait remettre en cause la nécessaire généralisation de l’éducation artistique et culturelle, son inscription dans l’éducation générale, pour tous, dans le socle commun. Chaque campagne électorale en témoigne. Ce n’était pas encore le cas lors de la mise en place de cette politique et de ses développements lors des ministères Lang et suivants. Plus encore, au-delà du consensus national, la politique éducative des arts est entrée dans un unanimisme politique quasi-mondialisé. Elle marche sur deux jambes : l’UNESCO, et l’OCDE. Une jambe humaniste d’un côté, qui veut croire qu’elle œuvre pour la paix dans le monde en invitant les enfants, d’un bout de la planète à l’autre, du Mexique au Japon, à décliner à leurs diverses façons le Guernica de Picasso. Une jambe économique de l’autre, qui trouve dans l’éducation artistique les relais pour optimiser, au service du développement économique en régime capitaliste, les compétences relevant de ce qu’on n’ose plus appeler le « capital humain ». 

 

6) Il faut enfin ajouter que cette politique éducative des arts, dans ses ambiguïtés et ses ambivalences, loin de se limiter aux domaines de l’éducation et de l’école, s’étend à bien d’autres domaines de la vie des sociétés, les arts et les artistes étant conviés ici à contribuer à la pacification des banlieues, là à apporter aux politiques hospitalières un nouveau souffle, ailleurs à ouvrir des fenêtres dans l’enfermement carcéral. 

 

3. Non, la critique artiste n’est pas morte !

 

Faut-il alors conclure à la dissolution de la vocation émancipatrice de l’éducation par la voie de l’art dans les eaux du néolibéralisme ? Assister aujourd’hui à la possibilité que l’éducation artistique et culturelle soit rattrapée par les sirènes du loisir industrialisé et de la consommation culturelle ne peut qu’aviver l’inquiétude ; et ce n’est pas la perspective du « passe-culturel » comme outil privilégié de la généralisation de l’EAC qui pourra l’atténuer…  

 

3.1. Le terrain esthétique comme terrain politique

 

Il y a là une apparente contradiction qui reste à penser. C’est une même politique qui prône d’un côté le « 100% EAC », et qui promeut de l’autre, dans le fonctionnement pédagogique de l’école, les comportements compétitifs et les valeurs de « l’entreprise de soi-même » que porte notamment en elle la récente réforme du lycée et du baccalauréat. À moins que cette apparente contradiction ne recouvre une parfaite cohérence, comme peut l’assumer sans vergogne la vision qu’a l’OCDE de la fonction de l’EAC.  

 

Alors que faire ?  Déclarer le combat perdu ?  Non. Mais aller chercher le potentiel émancipateur de l’art là où il s’efforce d’être en œuvre. Et pour cela, il convient de changer son fusil d’épaule, son angle de vision. En regardant non plus du côté de la politique éducative des arts, mais du côté de celles et ceux qui s’engouffrent dans les brèches ouvertes par cette politique : les artistes, et aussi ceux qui en sont dans la place les « complices » : les enseignants, voire les élèves. 

 

C’est de ce côté-là que je vous propose donc de regarder à présent. En se plaçant sur le terrain esthétique que délimitent dans l’école même les artistes qui s’y engagent ; en suivant le déplacement esthétique que leur entrée dans l’école y opère. « Le terrain esthétique », écrit Rancière aux premières pages du Partage du sensible, « est aujourd’hui celui où se poursuit une bataille qui porta hier sur les promesses de l’émancipation et les illusions et désillusions de l’histoire » (2000, p. 8). Et si aujourd’hui cette bataille se poursuivait aussi, par les moyens de l’esthétique et des artistes, sur le terrain de l’éducation ? 

 

3. 2. Trois artistes à l’œuvre dans l’école

 

Un prix Marcel Duchamp emblématique

 

Le prix Marcel Duchamp a été attribué en 2019 à un artiste dont le nom, par le plus grand des hasards, un clin d’œil de l’histoire, est aussi celui d’un fameux poète qui fut le tout premier à célébrer en l’enfance les qualités qui caractérisent, selon lui, l’artiste moderne, dans un essai publié en 1863 : Le peintre de la vie moderne. Ce lauréat du prix Marcel Duchamp se nomme en effet aussi Baudelaire, mais se prénomme, lui, Éric. L’œuvre qui lui a valu ce prix international est une œuvre filmique, intitulé Un film dramatique, qui a pour première particularité d’avoir été conçue et réalisée avec et par une vingtaine d’élèves d’un collège de Seine-Saint-Denis, le collège Dora Maar, et d’être le produit d’un travail qui a duré quatre années, le temps de la scolarité au collège. Il était la pièce centrale de l’installation Prendre son temps, présentée à Beaubourg fin 2019. Un film dramatique est une œuvre entre fiction et documentaire, et qui interroge la nature même du cinéma. Mais il interroge tout autant chez ces élèves la construction de leur identité et les contextes dans lesquels elle s’est faite, ce que ça veut dire grandir dans le 93. Ils étaient en classe de sixième quand le travail a commencé, quittaient le collège lorsqu’il s’est achevé. L’artiste explique que son « seul programme c’était de commencer comme un film sur eux qui très vite basculerait vers un film avec eux, mon espoir étant que cela devienne au bout du compte un film par eux » (dans Sylvain Bourmeau5 , 2019). Au point de départ, précise-t-il, il y avait une commande dans le cadre du 1% artistique. C’est par cette brèche que son travail s’engouffre dans le collège : « Habituellement, le 1% donne lieu à une sculpture, un objet matériel qui prend place de manière pérenne dans l’établissement. Moi j’ai proposé autre chose, le contraire : non pas que l’œuvre vive dans le collège, mais que ce soit le collège qui vive dans l’œuvre. J’ai renversé le dispositif ». Il s’agit en somme d’une œuvre-processus dans laquelle les élèves passent du statut d’objet à celui de sujet, plus précisément du statut de sujets sur lesquels porte le film à celui d’auteurs du film. Autre renversement, la réflexion sur le médium lui-même, le cinéma, est également portée par les élèves. Il s’agit de réfléchir avec les élèves sur ce que veut dire faire un film collectivement. Pourquoi ce choix ? Voici la réponse d’Éric Baudelaire : « Traditionnellement le cinéma est un médium assez hiérarchique (…) comme il coûte très cher de faire un film, la structure de fabrication demeure très pyramidale. Pour d’autres raisons structurelles, le collège est également une organisation fortement pyramidale. J’ai dès le départ réfléchi à la manière d’éviter ces structures pyramidales, et pour cela le temps s’avérait un allié décisif. D’où le titre de l’exposition au Centre Pompidou, « Tu peux prendre ton temps ». 

 

 

 

 

 

 

 

Ces renversements marquent bien que nous sommes-là pleinement dans ce que Jacques Rancière appelle le « régime esthétique des arts », un régime qui, écrit-il, « identifie l’art au singulier et délie cet art de toute règle spécifique, de toute hiérarchie des sujets, des genres et des arts » (2000, p. 33). Et surtout, ils font écho à la relève du partage du sensible constitutif du régime esthétique des arts, à la rupture qu’il implique, écrit Jacques Rancière, « au sein d’une hiérarchie ancrée au plus profond de l’expérience sensible : celle qui distinguait deux sortes d’êtres humains : les hommes dit actifs et ceux que l’on disait passifs ». (2018, p. 95).  

 

Je ne sais pas si Éric Baudelaire a lu Rancière. Je sais seulement que Jacques Rancière constate que « Le maître ignorant, lors de sa parution, n’a pratiquement été lu par aucun professeur. Il a été lu essentiellement par deux sortes de personnes : des psychanalystes et puis des artistes » (2021, p. 27). Et je constate pour ma part quelque chose de la posture du maître ignorant chez l’artiste lorsqu’il déclare que « le fait de considérer que je n’étais pas là pour leur apprendre quoi que ce soit s’est révélé déterminant », et ajoute que « si [il] y étais allé avec l’intention de leur apprendre, Fatimata n’aurait jamais fait des choses aussi belles ». Ce propos ne relève pas seulement de la posture. Il inscrit un principe d’égalité dans la forme même et le contenu d’un film qui accorde le même statut à toutes les images et à tous les plans, comme l’explique l’artiste dans l’entretien avec Sylvain Bourmeau dont sont tirés les propos sur lesquels je m’appuie : « Je crois que si l’espace du film fonctionne c’est parce qu’il n’y a pas de différence entre les images faites par Fatimata ou Gaëtan et les images faites par Claire Mathon, ma chef opératrice… Toutes les images sont au même rang, le spectateur ne se pose pas la question de savoir si c’est un adulte ou un enfant qui tient la caméra. Cette structure de film met tout le monde sur un pied d’égalité ». 

 

Bleu Blanc Rouge. Quand l’art travaille l’école.

 

L’exposition Bleu Blanc Rouge Quand l’art travaille l’école, proposée par La Friche la Belle de Mai, à Marseille6 , était bien plus modeste que celle du Centre Georges Pompidou. Elle n’en est pas moins significative. Elle réunissait deux artistes, Florence Lloret et Arnaud Théval, qui ont en commun pour sujet l’institution scolaire, la condition scolaire, l’expérience scolaire, aux croisements de leur dimension sociologique et politique (ou peut-être plus exactement anthropologique), et de leur dimension existentielle. Ce n’est pas un hasard si tous deux ont choisi de mener leur travail d’artiste dans des classes professionnelles : des espaces institués au sein desquels s’articulent l’une à l’autre non sans heurts et s’interrogent l’une l’autre non sans troubles la condition scolaire et ce qu’il faut bien appeler la condition ouvrière. 

 

Bleu Blanc Rouge. Photographie
Arnaud Théval 

Bleu Blanc Rouge.  
Image de l’installation vidéo L’école rêveries 
Florence Lloret 

 

Les interventions photographiques d’Arnaud Théval dérangent. Et assument de déranger. Son travail met en œuvre le potentiel critique de l’art contemporain. Ce n’est pas tout à fait l’art pacificateur et distinctif que l’institution scolaire attend. La trajectoire de l’artiste dans l’établissement, et les photographies qui en naissent, s’inscrivent dans ce malentendu et le mettent à vif. 

 

Elles mettent à jour, sous l’apparente communauté d’une identité lycéenne, côté face une identité ouvrière singulière, en porte-à-faux, affirmée-niée, côté pile une identité lycéenne comme trouée des singularités d’une destinée ouvrière. Tout ceci ne va pas sans malaise ni trouble dans l’institution, dans l’apparent consensus en faveur de l’art et des artistes dans l’école. Engagés avec l’artiste dans des mises en scène photographiques travaillant les stéréotypes qui les enferment, ces lycéens deviennent un peu plus les sujets de leur destinée. 

 

Arnaud Théval, Moi le groupe, 
avec les lycéens 1ère BEP « Conduite et services dans les transports routiers » 

 

Et du coup transparaît un non-dit : non, l’art n’est pas nécessairement le bienvenu dans l’école, du moins si on n’attend de lui qu’une respiration, une phase de pacification et de well being, voire un art-pansement. Les interventions d’Arnaud Théval révèlent alors le silencieux travail de l’appareil scolaire, occupé, comme malgré lui, malgré sa volonté d’ouverture, à circonscrire l’intrus : tantôt plaçant l’artiste sous haute surveillance, tantôt tenté de l’abandonner à une rassurante marginalité. Oui, l’art peut aussi apporter une salutaire déstabilisation : sa portée émancipatrice passe également par là. 

 

Le travail de Florence Lloret procède tout autrement. Son installation vidéo, L’école rêveries, se compose de sept tableaux (dans l’idéal il faut disposer sept écrans qui donnent à voir simultanément ces sept vidéos) qui invitent à méditer sur la fonction et le fonctionnement de l’école à partir de l’expérience qu’en font des élèves et des professeurs. L’école rêveries est l’aboutissement d’un travail de deux années dans un lycée professionnel de Marseille, le lycée Ampère. L’œuvre tisse ensemble, dans chaque tableau, jouant sur les montages subtils des images et du son, les moments où les élèves, seuls, ou en groupes, évoquent leurs vécus de lycéens, où les enseignants parlent de leur métier, les scènes filmées en classe, et les échappées oniriques, poétiques, voire surréalistes, que Florence Lloret met en scène avec la complicité des élèves, dans lesquelles, par exemple, les mannequins qui servent à la formation des agents de sécurité deviennent les acteurs muets d’une scène où passe le souvenir de la Classe morte de Kantor, ou encore la séquence où les chaises d’une classe atteignent à une sorte d’existence chorégraphique. 

 

Florence Lloret, image de L’école Rêveries. Une présentation du film (durée 1, 37’)  est accessible ici : https://www.theatre-contemporain.net/video/L-ecole-Reveries 

 

La démarche de Florence Lloret se développe en complicité avec les élèves et les enseignants, eux-mêmes engagés dans une sorte de mise à distance tour à tour réfléchie et onirique de leur établissement et de leurs vécus personnels et communs. 

 

Conclusion

 

J’ai bien conscience que ces trois exemples sont des cas singuliers, privilégiés, exceptionnels. Mais c’est précisément par leur singularité qu’ils offrent quelque chance de mettre en œuvre dans l’école le potentiel émancipateur de l’art. Multiplier les singularités est alors la meilleure voie et peut-être même la seule voie pour que ce potentiel essaime et concerne le plus grand nombre, et c’est sur ce point que je voudrais conclure. C’est en effet parce qu’elles se tiennent dans les marges de l’institution scolaire que les trois démarches évoquées préservent ce potentiel et peuvent avoir des effets sur son centre. Dans un article consacré à un auteur, Michel de Certeau, dont toute l’œuvre est un éloge des marges, Guillaume Leblanc développe un propos en profonde résonance avec mon sujet. « Alors que l’institution veut tout ramener à l’Un, écrit-il, elle ne cesse de produire un ensemble d’Autres qu’elle relègue dans les marges. De ce fait, les marges renvoient à une instance centrale, l’institution, mais la débordent par la prolifération des productions qui s’y accomplissent » (2022, p. 43-44.). Une politique éducative des arts soucieuse de l’émancipation devrait se soucier de ne pas empêcher cette prolifération. Ce qui se tient ici dans les marges n’est pas très différent, dans leurs rapports au centre, de ces « espaces autres » que Foucault (1975) appelait des hétérotopies. Il faut en appeler à la multiplication de ces hétérotopies nécessaires que sont les interventions artistiques dans l’école. La tentative de les centraliser et de les formaliser dans le cadre d’un institut dédié, cette politique du haut vers le bas, prend le risque de lui tourner le dos. En prendre conscience ouvre la réflexion sur ce que signifie « démocratie », et « démocratiser ». 

 

Références bibliographiques

 

Aboudrar, B.-N. (2000). Nous n’irons plus au musée. Aubier. 

Bourmeau, S. (2019). Éric Baudelaire : « Il n’y a pas un monde de l’art, il y en a plein ». Analyse Opinion Critique, 19 octobre 2019.  

En  ligne : https://aoc.media/entretien/2019/10/19/eric-baudelaire-il-ny-a-pas-un-monde-de-lart-il-y-en-a-plein/ 

Buisson, F. (1911). Nouveau Dictionnaire de Pédagogie et d’Instruction Primaire. Hachette. 

Certeau, M. de (1980). L’invention du quotidien. Tome I : L’art de faire. Gallimard. 

Cometti, J.-P., Giraud, É. (2014). Black Mountain College. Art, démocratie, utopie. PUR. 

Foucault, M. (1984).  Des espaces autres. Dans Dits et écrits 1976-1988, tome II, texte 360. Gallimard. 

Janicaud, D. ([1970], 1997). Ravaisson et la métaphysique. Une généalogie du spiritualisme français. Vrin. 

Kerlan, A. (2004). L’art pour éduquer ? La tentation esthétique. Contribution philosophique à l’étude d’un paradigme.  Presses de l’Université Laval.  

Kerlan, A. (2021). Éducation esthétique et émancipation. La leçon de l’art, malgré tout. Hermann. 

Kerlan A. (2022). Portrait(s) de l’artiste en pédagogue. Dans Art et émancipation. L’art peut-il encore éduquer ? Dossier Télémaque n° 62, février 2022 

Leblanc, G. (2022). L’amour des marges. Autour de Michel de Certeau. Esprit 781-782, janvier février 2022, p. 43-44. 

Menger, P.-M. (2002). Portrait de l’artiste en travailleur. Métamorphoses du capitalisme. Seuil. 

Rancière, J. (1981). La nuit des prolétaires. Archives du rêve ouvrier. Fayard. 

Rancière, J. (1999). « La fabrique du sensible ». Revue Multitudes. En ligne : https://www.multitudes.net/le-partage-du-sensible/ 

Rancière, J. (2000). Le partage du sensible. Esthétique et politique. La fabrique. 

Rancière, J. (2018). Les temps modernes. Art, temps, politique. La fabrique. 

Rancière, J. (2021). Les mots et les torts. Dialogue avec Javier Bassas. La fabrique. 

Ravaisson, F. (1911). Article « Art ». Dans Buisson F. (1911). Nouveau Dictionnaire de Pédagogie et d’Instruction Primaire. Hachette, p. 105-107. 

Schiller, L. v. ([1795], 1992). Lettres sur l’éducation esthétique de l’homme, Aubier (traduction française Robert Leroux ). 

Théval, A. (2008). Moi le groupe. Zédélé éditions. 

 

Références vidéos

 

- Un film dramatique. Éric Baudelaire Prix Marcel Duchamp 2019 

https://www.youtube.com/watch?v=Fi9KWOJGWtI 

 

- Bleu Blanc Rouge, quand l’art travail l’école. Florence Lloret, Arnaud Théval, Alain Kerlan 

https://www.lafriche.org/magazine/entretien-avec-florence-lloret/ 

https://www.theatre-contemporain.net/video/L-ecole-Reveries 

https://www.lafriche.org/magazine/quand-lart-travaille-lecole-rencontre-avec-arnaud-theval/ 

https://www.lafriche.org/magazine/quand-lart-travaille-lecole-entretien-avec-alain-kerlan/ 

 

 

Notes
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 À vrai dire,  si elle culmine lors de la mise en place de l’École de Troisième République, les lois Ferry, et la victoire de la méthode Guillaume, leur opposition traverse le demi-siècle. 

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 L’article « Art » est d’ailleurs rédigé par Félix Ravaisson. Pour une étude détaillée, je renverrais au chapitre consacré à ces articles dans l’ouvrage collectif L’École républicaine et la question des savoirs. Enquête au cœur du Dictionnaire de Pédagogie de Ferdinand Buisson, sous la direction de Daniel Denis et Pierre Kahn. Le chapitre, rédigé par Jocelyne Beguery est intitulé : Le dessin : vers un problématique enseignement artistique. 

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 Sans cet ancrage dans une rationalité positive, « le dessin serait sans autorité parce qu’il ne reposerait sur aucune base rationnelle, il ne mériterait même pas d’exister dans les établissements d’instruction publique », comme on peut le lire dans la première édition  du Dictionnaire (DP1, p. 694) 

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 Cf. Kerlan, A. (2004). L’art pour éduquer ? La tentation esthétique. Contribution philosophique à l’étude d’un paradigme. Presses de l’Université Laval, et Éducation esthétique Émancipation. La leçon de l’art, malgré tout. Hermann. 

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 Ce propos d’Éric Baudelaire et tous les suivants sont extraits d’un entretien avec Sylvain Bourmeau, paru dans la revue AOC. 

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 L’exposition Bleu Blanc Rouge. Quand l’art travaille l’école s’est tenue à La Friche La Belle de mai du 13 novembre 2021 au 9 janvier 2022, à l’initiative de Lieux Fictifs.  On peut en voir la présentation sur le site de La Friche  : https://www.lafriche.org/evenements/bleu-blanc-rouge-quand-lart-travaille-lecole/ 

 

Annuel de la recherche en philosophie de l’éducation ISSN 2779-5292