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mardi 28 mars 2023

Pour citer ce texte : CHARBONNIER, V.. (2023). Du commun et du particulier en éducation : notes pour une recherche Annuel de la Recherche en Philosophie de l’Education , 3 ,
[https://www.sofphied.org/annuel-de-la-recherche-en-philosophie-de-l-education/arphe-2022/dossier/article/du-commun-et-du-particulier-en-education-notes-pour-une-recherche]

 

Du commun et du particulier en éducation : notes pour une recherche1  

 

Vincent Charbonnier, Nantes université-INSPÉ
chercheur associé, ERRAPHIS-TRANSMIS, Université Toulouse-Jean-Jaurès
membre associé, CREN, Nantes-Université & Le Mans Université
 

 

Résumé : Chargée par la société d’en assurer la perpétuation et la reproduction, l’École doit tout à la fois fabriquer des citoyens (du commun) et assigner une place aux individus au sein de l’appareil productif (du particulier). On se propose de présenter et d’analyser quelques figurations historiques de cette tension entre communauté et particularité. 

 

Mots-clés :
Communauté, éducation, particularité politique, société 

 

Summary : Charged by society with ensuring its perpetuation and reproduction, the School must both produce citizens (of the common) and assign a place to individuals within the productive apparatus (of the particular). We propose to present and analyze some historical representations of this tension between community and particularity. 

 

Keywords :
Community, Education, Particularity, Politics, Society 

 

Dans les domaines qui nous occupent, il n’y a de connaissance que fulgurante. Le texte est le tonnerre qui fait entendre son grondement longtemps après. 

Walter Benjamin, Le Livre des passages 

 

En France, l’École est profondément nouée au politique et plus spécifiquement encore, depuis la Révolution française, à la forme républicaine du régime politique qu’elle a instituée et qui se caractérise notamment par l’idée de «nation civique» (Balibar, 2001) dont la spécificité «consiste à intégrer toutes les populations en une communauté de citoyens et à légitimer l’action de l’État, qui est son instrument, par cette communauté». C’est-à-dire que «la nation se définit par son ambition de transcender par la citoyenneté des appartenances particulières, biologiques […] historiques, économiques, sociales, religieuses ou culturelles et de définir le citoyen comme un individu abstrait, sans identification et sans qualification particulières, en deçà et au-delà de toutes ses déterminations concrètes.2 » 

Cette «ambition» peut être reformulée comme la volonté de produire du «commun», aux deux sens de le fabriquer et de l’exposer, de le fabriquer pour l’exposer. Et c’est à l’École, entendue au sens large comme l’institution publique spécifiquement chargée par la société de l’éducation et de l’instruction des jeunes générations que cette mission et cette fonction, autrement dit cette «charge»3 , a été historiquement dévolue. Plus que toute autre, l’institution scolaire, l’École, a été en effet chargée d’assurer la continuité politique, idéologique et même économique de la société, d’assurer sa perpétuation et sa reproduction – élargie4 , de produire du commun. 

Cette charge dévolue à l’École est en en réalité plurielle et revêt au moins trois dimensions : 1/ l’enseignement proprement dit, c’est-à-dire les apprentissages, la transmission des savoirs et des connaissances aux élèves; 2/ la culture comme processus général de socialisation et d’acculturation des jeunes générations (cf. Bruner, 1996 & 2015), avec la visée de fabriquer des citoyen·nes, au présent dans le cadre la vie scolaire, comme au futur, dans la vie sociale et politique de la communauté nationale5 ; 3/ l’assignation de places au sein de la société, et plus précisément encore au sein de l’appareil productif et du processus de (re-)production des moyens de subsistance de la société6 . 

Si ces dimensions internes à la charge de l’École se recoupent, elles sont aussi en tension, voire en contradiction. C’est notamment le cas entre sa fonction d’assignation d’une place dans le processus de production, c’est-à-dire dans sa mission de particularisation, et sa mission de produire du commun, qui est sa charge générique au fond, celle que la société lui a confiée ou plutôt qu’elle lui a dévolu, pour souligner sa part d’autonomie relative dans l’exercice de cette charge. Il faut cependant observer que sitôt exposées, ces tensions tendent à être occultées par un discours institutionnel qui exhibe le commun, comme unité de la diversité. 

Nonobstant cette tendance à l’occultation, on doit constater que cette contradiction inhérente à l’École a revêtu plusieurs figurations. D’abord sous la modalité d’un commun pluriel et divisé, elle a été figurée de manière exemplaire dans la mise en œuvre et l’organisation de l’institution scolaire publique au cours du XIXe siècle en France. Ensuite sous la modalité d’une articulation dialectique du commun et du particulier par le truchement de la notion d’aptitude comme opérateur au cours du XXe siècle. Et depuis quelques années, sous la modalité d’une scission et d’une co-affirmation séparée du commun et du particulier.  

 

On doit s’étonner du fait que, à l’issue de la période de la Révolution française, qui a fait de l’École et de l’institution du commun l’incarnation de la République, la mise en œuvre et l’organisation de l’institution scolaire publique se sont figurées selon la modalité manifestement assumée comme telle, d’un commun pluralisé et divisé. Pourtant, les motivations qui ont présidé à l’instauration d’un enseignement secondaire public d’État, tel, du moins qu’elles sont exposées dans un rapport rédigé par Fourcroy, directeur de l’Instruction publique sous le Ier Empire, il semble bien que la dimension «communale»7 y soit centrale. Fourcroy y écrit en effet ceci : «il n’y aura pas d’État politique fixe, s’il n’y a pas un corps enseignant avec des principes fixes. Tant qu’on n’apprendra pas, dès l’enfance, s’il faut être républicain ou monarchique, catholique ou irréligieux, l’État ne formera point une nation; il reposera sur des bases incertaines et vagues, il sera constamment exposé aux désordres et aux changements.» (Fourcroy cité par Lelièvre, 1990 p. 37) 

Dans son commentaire, C. Lelièvre appuie cette idée en observant qu’il ne s’agit pas seulement de mettre en place «une administration publique, mais [bien] un organisme concourant à la réalisation d’une même fin et ayant une unité morale et une inspiration commune», qu’il s’agit de «créer un corps dont l’esprit serait au service de l’État en place», puisque «le but principal est d’avoir un moyen de diriger les opinions politiques et morales» (Ibid.), autrement dit de produire du commun. 

Or la consistance de ce «monopole d’État» doit être immédiatement nuancée et son caractère «communal» interrogé. En premier lieu parce qu’il est verticalement borné par l’existence d’un enseignement privé concurrent, dont le contrôle de principe par l’Université impériale est en réalité «limité, et le plus souvent contourné» (Ibid., p. 51). En second lieu parce que ce monopole d’État est plusieurs fois restreint : au genre masculin, puisque les jeunes filles ne disposent d’aucun enseignement d’État, et, de manière cumulative, à une fraction privilégiée de la société, celle qui dispose des moyens matériels et financiers pour assurer la charge d’une scolarité pour ses enfants, excluant de facto les classes laborieuses. 

Cette restriction, plurielle et cumulative de l’enseignement secondaire public d’État dénote donc le caractère pluriel et divisé du commun qu’il vise, puisque, au fond, le seul commun qui semble importer, est celui qui assure la formation des cadres, humains comme institutionnels du pouvoir en place, le maintien de sa forme politique (l’Empire) et qui en garantisse la pérennisation et la reproduction. 

L’instauration d’un enseignement primaire d’État par F. Guizot à partir de 1833, est venue tout à la fois compléter et consolider l’ordre secondaire, dont il a hérité de sa restriction au genre masculin et de la définition de son périmètre de recrutement aux enfants des classes laborieuses (ouvriers, paysans, employés, etc.). Quant à la visée de primaire d’État, qui jouxte toujours l’enseignement privé, elle peut être caractérisée comme étant celle de produire un commun par le truchement d’une émancipation limitée du peuple. Comme le précise en effet C. Lelièvre (1990, p. 62), pour Guizot «le grand problème des sociétés modernes est le gouvernement des esprits», de telle sorte que si l’État central se fait éducateur, c’est d’abord pour que l’ordre, son ordre, règne8 . 

C’est clairement énoncé dans la lettre que Guizot adresse aux instituteurs en juillet 1833 : «ce n’est pas pour la commune et dans un intérêt purement local que la loi veut que tous les Français acquièrent les connaissances sans lesquelles l’intelligence languit et quelquefois s’abrutit : c’est aussi pour l’État lui-même et dans l’intérêt public; c’est parce que la liberté n’est assurée et régulière que chez un peuple assez éclairé pour écouter en toutes circonstances la voix de la raison.» Aussi «l’instruction primaire universelle» est-elle «désormais une des garanties de l’ordre et de la stabilité sociale» puisque, «comme tout, dans les principes de notre gouvernement, est vrai et raisonnable, développer l’intelligence, propager les lumières, c’est assurer l’Empire et la durée de la monarchie constitutionnelle.» (Guizot apud Jacquet-Francillon et al., 2010, p. 501-502; c’est moi qui souligne) 

 

On est donc en présence d’une configuration de l’École en deux ordres d’enseignement, qui réfracte la division en classes de la société9 , deux ordres d’enseignement qui, chacun à leur façon et chacun de leur point de vue, visent à produire du commun – quelque chose comme une culture commune –, et renforcent l’idée selon laquelle le commun visé par l’École est en réalité un commun divisé. Cependant, en même temps qu’elle est exhibée par l’existence de ces deux ordres d’enseignement, cette division est comme occultée par sa subsomption sous un commun plus large ou, si cela se peut, encore plus commun, dont chacun des deux ordres participe, celui de l’institution scolaire dans sa généricité, c’est-à-dire dans sa charge (sa mission et sa fonction) d’instruction et d’éducation. 

C’est ainsi que l’on peut interpréter la motion profonde des lois scolaires de la IIIe République qui, en instaurant la gratuité, l’obligation d’instruction et le principe de laïcité, n’ont aucunement remis en cause l’architecture de l’institution scolaire mise en place par Napoléon et Guizot, mais qui l’ont plutôt confortée, y reconduisant la transcendance de la communauté nationale et/ou de la patrie – ce féminin masculin – dont l’École a précisément pour mission et fonction d’être le creuset. 

 

Cette configuration est longtemps demeurée indiscutée et n’a commencé d’être remise en cause, de manière significative, qu’à l’issue de la Première Guerre mondiale par ceux qui se sont baptisés les «Compagnons de l’Université nouvelle» (Garnier, 2008). Il est à ce propos remarquable que ce c’est précisément au nom du commun de la «fraternité» des soldats lors des combats dans les tranchées, que les Compagnons de l’Université nouvelle ont revendiqué la mise en œuvre d’une «école unique», c’est-à-dire une scolarité unique pour l’ensemble des enfants de six à quatorze ans, quelle que soit leur origine ainsi qu’ils l’écrivent10 . 

«Séparer, dès l’origine, les Français en deux classes et les y fixer pour toujours par une éducation différente, c’est aller à l’encontre du bon sens, de la justice et de l’intérêt national. Le bon sens veut qu’on laisse à un esprit le temps de se manifester, avant de le ranger dans une catégorie. La justice veut qu’aucune force ne soit entravée ou déviée. L’intérêt national veut que toutes les capacités soient exploitées à fond et atteignent leur plein rendement. Parlons de l’enseignement tout court, de l’enseignement unique. Un peuple qui s’est uni dans la guerre ne peut être divisé dans la paix. […] Les pères ont veillé dans les mêmes tranchées; partout où cela est réalisable, les fils peuvent bien s’asseoir sur les mêmes bancs.» (Les Compagnons de l’Université nouvelle, 2008, p. 39 et 41-42; c’est moi qui souligne) 

Hormis la revendication d’une école unique, et donc commune, un terme doit retenir l’attention, celui de «capacités». Au-delà des registres auxquels il est associé – le souci de l’intérêt national et de la justice –, son emploi souligne l’émergence du thème de l’individualité et/ou du sujet comme d’une réalité substantielle et décisive du processus éducatif et soulève surtout la question du commun dans son articulation avec le particulier. Car ce terme fait signe vers une notion qui a progressivement conquis une place cardinale dans la réflexion sur l’éducation, la notion d’aptitude11 . 

Notion cardinale au sens le plus obvie du terme, puisqu’elle a été le pivot des grands projets de réforme de l’institution scolaire, par exemple, celui élaboré par la «Commission d’études pour la réforme de l’enseignement» instituée en 1944, plus connue sous le nom de ses deux illustres présidents successifs, le physicien P. Langevin et le psychologue H. Wallon, dont le rapport officiel a été remis au ministre de l’Éducation nationale en juin 1947 et quoi sera par la suite publié sous la forme d’une brochure en septembre de la même année12 . 

 

Ce terme d’«aptitude» occupe une place tout à fait centrale sur le plan lexicographique qui dénote «l’importance théorique qu’il revêt dans le dispositif argumentatif du projet [de la Commission Langevin-Wallon]» (Robert, 1998, p. 44). Elle se manifeste en particulier dans «le principe de justice» qui, «par sa valeur propre et l’ampleur de ses conséquences domine tous les autres» en offrant «deux aspects non point opposés, mais complémentaires : l’égalité et la diversité.» Ainsi, «quelles que soient leurs origines familiales, sociales, ethniques», tous les enfants «ont un droit égal au développement maximum que leur personnalité comporte» et «ne doivent trouver d’autre limitation que celle de leurs aptitudes.» (Rapport de la Commission ministérielle d’étude apud Mialaret, 1997, p. 17; c’est moi qui souligne) 

Il s’ensuit, que «l’introduction de “la justice à l’école” par la démocratisation de l’enseignement mettra chacun à la place que lui assignent ses aptitudes, pour le plus grand bien de tous» et que, par voie de conséquence, «la démocratisation de l’enseignement, conforme à la justice, assure une meilleure distribution des tâches sociales. Elle sert l’intérêt collectif en même temps que le bonheur individuel.» (Ibid., p. 17-18; c’est moi qui souligne) Il s’agit là du second principe du projet, celui de l’orientation, scolaire puis professionnelle, c’est-à-dire «la mise en valeur des aptitudes individuelles en vue d’une utilisation plus exacte des compétences» (Ibid., p. 18). 

Ce principe «découle de la volonté de mettre en adéquation système de formation et division du travail en prenant appui sur les aptitudes13 » et il apparaît dès lors clairement que l’aptitude est l’opérateur de l’articulation dialectique du commun et du particulier14 et que c’est précisément cette opérativité qui va être retenue comme un principe recteur dans les réformes de l’institution scolaire, lancées à partir de 1959 puisque, comme on le sait, remis au ministre en 1947, le projet a été aussitôt enterré15 . 

Ainsi, certains analystes ont pu considérer que la réforme de l’enseignement portée par J. Berthoin (décret du 6 janvier 1959), qui fait suite à l’allongement de l’instruction obligatoire jusqu’à 16 ans (ordonnance du 6 janvier 1959, hérite du projet Langevin-Wallon. Dans L’école de demain reste à faire, qui est publié en 1966, l’ancien recteur et haut fonctionnaire J. Capelle affirme ainsi, dans une brève «comparaison de la réforme de 1959 avec le projet Langevin-Wallon» que, sur le plan des intentions, «il y a un incontestable parallélisme entre l’exposé des motifs du décret [de 1959 portant réforme de l’enseignement public] et les idées maitresses du Plan Langevin-Wallon.» (Capelle, 1966, p. 38-39) 

Et parmi les exemples proposés, figure celui autour de la notion d’aptitude, parce qu’il fait le lien entre l’École et l’économie et aussi parce qu’il marque clairement l’importance croissante prise par la dimension d’assignation d’une place dans l’appareil productif. Aussi pour J. Capelle, le projet Langevin-Wallon et l’exposé des motifs du décret de la réforme de 1959 «ne s’expriment pas différemment» tant «sur l’obligation où se trouve la société de prévoir la nature des enseignements et la répartition numérique des enseignés, de façon à répondre aux exigences de l’économie» que «sur l’importance qui s’attache à une revalorisation normale de la compétence professionnelle, à tous les niveaux» (Ibid., p. 39; c’est moi qui souligne). 

Or, les conceptions du Plan Langevin-Wallon et celles de la réforme de 1959 diffèrent largement. A. Robert (2015, p. 57) souligne ainsi que «la perspective où le projet de 1947 place le concept d’aptitude – conformément à la définition qu’en donnait Wallon – a manifestement un caractère dynamique et évolutif, là où le décret de 1959 allie fixisme et naturalisation.» Au-delà de cette différence d’acception, qui n’est d’ailleurs pas sans importance, le point capital réside dans le fait que l’aptitude est devenue une notion pivot de l’ensemble des réformes de l’institution scolaire – laquelle n’a jamais cessé, depuis lors, d’en être l’objet, au sens psychanalytique d’être un corrélat de la pulsion16 . 

 

L’importance acquise par la notion d’aptitude constitue en fait un point nodal et surtout un révélateur de plusieurs processus historiques, qui lui sont tout à la fois antérieurs et concomitants. Le premier et le plus ancien est sans conteste ce qui semble avoir d’abord eu l’allure d’un lent mascaret, lequel s’est par la suite défait de sa prime lenteur mais non de sa puissance, la lente mais tenace massification de la scolarisation, à bas bruit si l’on peut dire. 

Au vrai ce processus est multiple et l’on peut y distinguer trois grandes phases. La première est ce que l’on pourrait nommer une «proto-massification», sous la double modalité d’une progression de l’alphabétisation de masse et d’une extension globalement continue de la scolarisation à partir de la seconde moitié du XIXe siècle17 . La seconde phase réside dans l’extension de la scolarisation durant l’entre-deux-guerres, dont l’instauration de la gratuité de l’enseignement secondaire à partir de 1930 a pu être un élément déterminant. La troisième consiste dans l’extension et la croissance des effectifs scolaires après la Seconde Guerre mondiale, qui a notamment résulté de la conjonction d’une croissance démographique inédite (le «baby-boom») et des implications des profondes transformations de l’appareil productif. 

Cette «rencontre» entre une massification plus que latente de l’École et la charge (la fonction et la mission) d’assigner des places particulières aux individus dans l’appareil productif n’est pas le fruit d’un quelconque hasard. Elle est avant tout le résultat d’un ensemble de décisions politiques, dont le cadre a été précisément fourni par l’allongement de la scolarité obligatoire jusqu’à 16 ans et amplifié par les réformes de structure des années 1960-1975, y compris la création du «collège unique». Toutes ces décisions relèvent en effet très clairement de la volonté politique d’élargir le recrutement scolaire pour former des cadres, des ingénieurs et des techniciens, bref, pour former de la force de travail18 , afin de participer également à la «bataille des cerveaux», qui est largement concourante à la «Guerre froide»19 . 

Ces exigences économiques ont été clairement enregistrées par le pouvoir politique, comme on peut le lire dans l’exposé des motifs de la réforme de 1959 : «nous ne pouvons plus maintenir une organisation scolaire qui ne nous permet de former qu’un chercheur, un ingénieur, un professeur quand il en faudrait deux, un technicien quand trois seraient nécessaires, tandis qu’à l’inverse, se presse dans nos enseignements supérieurs des lettres, de la philosophie et du droit une foule d’étudiants, à qui nous n’avions pas préparé d’autre issue, et qui doivent maintenant recourir à de tardives et difficiles “reconversions”, faute de quoi ils se condamneraient, ce n’est pas sans exemple, à des besognes de fortune et de déboires.20 » 

 

Cette saisie de l’enseignement par l’économique marque un changement majeur et un changement d’époque, laquelle est encore la nôtre aujourd’hui. On a déjà souligné que la fonction et la mission d’assigner une place aux individus dans la société sont l’une des dimensions natives de ce dont l’institution scolaire a été chargée par la société. La nouveauté introduite par les réformes engagées à partir des années 1960 consiste dans la prééminence accordée à cette dimension d’assignation par rapport aux deux autres, de transmission des savoirs et de socialisation-acculturation des élèves futur·es citoyen·nes, autrement dit, la prééminence du particulier sur le commun. 

Il s’agit d’une reconfiguration de l’articulation de ces trois dimensions qui se traduit par la subordination des dimensions de la transmission des savoirs et de la socialisation-acculturation par celle de l’assignation de place dans l’appareil productif. Sa manifestation la plus emblématique réside en ce que le thème de l’insertion professionnelle est devenu omniprésent dans le discours institutionnel de l’éducation et quasiment omnipotent, dans la motivation des réformes et la structuration des curricula de l’enseignement supérieur ainsi que de l’enseignement secondaire désormais. C’est l’exigence ou plutôt la litanie de la nécessaire professionnalisation des formations et c’est surtout l’impérialisme, très conquérant, de la notion de compétence, qui se prolonge dorénavant dans celui de la certification21 . 

 

Aujourd’hui, la tension interne entre les visées de produire du commun et du particulier se traduit par à une dissociation croissante, laquelle est incidemment une forme de réification. Elle se manifeste en premier lieu par des prescriptions voire des injonctions institutionnelles de plus de plus en plus pressantes à l’individualisation des parcours et de (des) l’acte(s) éducatifs. Cela signifie notamment l’exigence de se modeler sur le sujet et sur sa particularité réputée infrangible, avec, en point de mire, la certification des compétences. Généralement formulée au nom de la réussite scolaire des élèves, c’est-à-dire en fait à leur insertion dans la société et l’appareil productif, cette exigence d’individualisation se traduit également par la diffusion de la notion de «besoin éducatif particulier» dont D. Rufin et J.-P. Payet (2021) notent qu’elle excède largement la problématique de l’inclusion, et dont ils s’inquiètent de la possible perversion du paradigme de l’école inclusive, d’une «philosophie de la dénormativité» en une «surnormativité scolaire». 

Cette dissociation se manifeste en second lieu dans un discours officiel de l’institution sur le commun de l’École, dont la rhétorique me paraît être de plus en plus teintée par le «souci identitaire», en convoquant la laïcité, dont il est fait une «valeur» à promouvoir et à défendre, autrement dit, un marqueur d’une différence culturelle et politique22 . Or cet usage identitaire, voire autoritaire de la laïcité en annule la signification profonde, celle d’être la possibilité d’un commun, comme diversité dans l’unité, ou encore d’être une communauté, au sens que R. Esposito donne à ce terme. 

Selon lui en effet, et à l’opposé de la définition classique qui lie «l’idée de communauté à celle d’appartenance, d’identité et de propriété» (Esposito, 2010, p. 115), la communauté renvoie plutôt à l’idée de devoir ou de dette en ce que ses membres ne sont en effet pas liés «par un rapport quelconque», mais justement «par une “tâche”, un “devoir”, une “loi”» (Ibid., p. 27), qu’ils sont liés, «par un devoir de don réciproque […] qui les porte à sortir d’eux-mêmes pour se tourner vers l’autre, et presque à s’exproprier en sa faveur.» (Ibid., p. 116) Est donc commun «ce qui n’est pas propre, ce que personne ne peut s’approprier, ce qui est à tous, où au moins, à beaucoup – et donc qui ne se rapporte pas au même, mais à l’autre.» (Ibid., p. 115) 

Cette dernière phrase pourrait être une excellente définition de la laïcité et de l’idée de commun qu’elle recèle. Cependant, R. Esposito insiste en même temps sur le fait que si l’idée de communauté «exprime une perte, une soustraction, une expropriation, si elle ne se rapporte pas à un plein, mais à un vide et à une altération, cela signifie qu’elle est ressentie comme un risque, comme une menace, pour l’identité individuelle du sujet, justement parce qu’elle ouvre, ou rompt, les limites qui en assurent la stabilité et l’existence même, parce qu’elle expose chacun à un contact avec l’autre, et même à une contagion, potentiellement dangereux.» (Ibid., p. 116) 

Or, il observe que c’est précisément face à cette menace que la modernité a mis en œuvre «un processus d’immunisation, selon l’opposition paradigmatique entre communitas et immunitas» de telle sorte que «si la première oblige les individus à faire quelque chose qui les pousse au-delà d’eux-mêmes, la seconde reconstitue leur identité en les protégeant d’une proximité risquée avec l’autre lui-même, en les soulageant du poids de tout contact, en les renfermant dans la bulle de leur subjectivité.» (Ibid., p. 116-117) 

Il faut alors se demander si, en définitive, ce processus d’immunisation décrit par R. Esposito, qui est au fond un processus d’exemption, ne rejoint pas la logique d’individualisation aujourd’hui à l’œuvre dans le cadre scolaire, qui se délivre dans une forme de réification de l’élève à n’être qu’une particularité, à n’être que ses compétences. Et le prolongement de cette logique réside dans le fait, identifié par R. Esposito, que parvenue à un certain point, l’immunité finit par se retourner contre le sujet qu’elle immunise. «Voici la terrible contradiction […] : ce qui protège le corps individuel et collectif est aussi ce qui en empêche le développement.» (Ibid., p. 136) 

 

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Robert A. (1998), «Le Plan Langevin-Wallon et la question des aptitudes», apud P. Boutan et E. Sorel (dir.), Le Plan Langevin-Wallon, une utopie vivante, Paris, PUF, p. 43-46. 

— (2015), L’école en France : de 1945 à nos jours, Grenoble, PUG. 

— (2016), «Le plan Langevin-Wallon et la Théorie de l’orientation professionnelle selon Naville : deux conceptions de la relation Formation / Emploi», apud L Gutierrez & P. Kahn (dir.), Le plan Langevin-Wallon : histoire et actualité d’une réforme de l’enseignement, Nancy, Presses universitaires de Nancy-Éditions universitaires de Lorraine, p. 131-147 

Ropé F. & Tanguy L. (2000), «Le modèle des compétences : système éducatif et entreprise», L’Année sociologique, t. 50, no 2, p. 493-520. 

Rufin D. & Payet J.-P. (2021), «À quoi sert le besoin éducatif particulier? Dénormativité et hypernormativité en tension dans l’école inclusive», Agora débats/jeunesses, no 87, p. 65-80. 

Schnapper D. (1994), La communauté des citoyens : sur l’idée moderne de nation, Paris, Gallimard. 

Sorel E. (1997), Une ambition pour l’école : le plan Langevin-Wallon (1943-1947), Paris, Éditions Sociales. 

Tanguy L. (2006), «Des aptitudes aux compétences» apud J. Beillerot & N. Mosconi (dir.), Traité des sciences et des pratiques de l’éducation, Paris, Dunod, p. 369-379. 

Tosel A (2015), Nous citoyens laïques et fraternels? Dans le labyrinthe du complexe économico-politico-théologique suivi de La laïcité au miroir de Spinoza, Paris, Kimé. 

Notes
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* Il s’agit essentiellement d’une note de travail exploratoire et non de la restitution d’une réflexion achevée.

[←2

. Schnapper, 1994, p. 49. Incidemment, c’est la raison pour laquelle la laïcité est «un attribut essentiel de l’État moderne» : elle permet en effet « de transcender la diversité des appartenances religieuses, de consacrer le passage dans le privé des croyances et des pratiques, de faire du domaine public le lieu, religieusement neutralisé, commun à tous les citoyens, quelle que soit l’Église à laquelle ils appartiennent» (Ibid.).

[←3

. Le terme de «charge» présente l’avantage de réunir les significations de «mission» – charge donnée par une personne ou une institution d’accomplir quelque chose» – et de «fonction2. qui désigne précisément l’exercice d’une charge, ce qui doit être accompli pour jouer son rôle dans la société, avec une double nuance d’autonomie relative et temporelle du processus et de son action.

[←4

. J’ajoute cette précision pour insister sur le caractère historique de ce dont l’École est chargée de la reproduction – une collectivité humaine – ainsi que de la reproduction en tant que telle, qui n’est jamais une simple «duplication» de l’existant. Une société ne se reproduit jamais à l’identique, mais toujours en se transformant ainsi que ses institutions, tout spécialement celles qu’elle a chargées de contribuer de manière centrale à sa pérennité et à sa reproduction (ainsi l’École). Sur cette question, je renvoie comme porte d’entrée dans la réflexion à développer, aux articles d’É. Balibar et de J. Pallotta (2021).

[←5

. On retrouve ici la définition de l’éducation selon Durkheim (1999, p. 51) qui désigne «l’action exercée par les générations adultes sur celles qui ne sont pas encore mûres pour la vie sociale» avec «pour objet de susciter et de développer chez l’enfant un certain nombre d’états physiques, intellectuels et moraux que réclament de lui et la société politique dans son ensemble et le milieu spécial auquel il est particulièrement destiné.» On touche également au «thème anthropologique de l’homme capable» développé par P. Ricœur (1994, p. 101), de l’homme «capable de parler, capable d’agir, capable de rassembler sa vie dans des récits, capable d’assumer les conséquences de ses actes, de se laisser les imputer à lui-même comme en étant le véritable auteur.»

[←6

. Il convient de rappeler cette évidence, souvent négligée, que ce processus de (re-)production est le soubassement nécessaire, ontologique, à l’existence et donc à la pérennité de toute société, qu’il serait d’ailleurs plus exact de la désigner comme une «formation économique et sociale» (Godelier, 1985) afin d’en marquer le caractère historique de totalisation, culturel, économique, politique, social, etc., et cela d’autant plus qu’elle est généralement divisée en classes.

[←7

. Ce terme doit être ici entendu au sens de l’adjectivation de «commun» et non à celui de la division administrative d’un territoire concret (la «commune»), qui est la signification usuellement reçue.

[←8

. La conjoncture politique de l’époque (1830-1832), notamment marquée par des révoltes républicaines et sociales à Paris et à Lyon (révolte des Canuts), est aussi à prendre en considération dans la décision d’instaurer un enseignement primaire d’État.

[←9

. Sur ce point, voir les Observations sur le système actuel d’instruction publique d’A. Destutt de Tracy (2011) qui ont été publiées à la jointure de la fin de la période révolutionnaire et des prémisses de la période impériale, et dont le propos est séminal.

[←10

. Sans pouvoir ici entrer dans l’histoire et le détail de ce projet d’école unique – commune au fond –, on dira simplement qu’il a suscité beaucoup de débats ainsi que des tentatives partielles de mise en œuvre, lesquelles n’ont toutefois abouti à aucune transformation majeure de la configuration scolaire avant les années 1960. Sur ce point, voir J.-F. Garcia (1994), J.-M. Barreau et al. (1998) et B. Garnier [dir.] (2013).

[←11

. Dans son ouvrage qui porte sur l’histoire de l’échec scolaire comme un problème public, B. Ravon (2000) offre un très intéressant panorama historique et critique de la problématisation de la notion d’aptitude dans laquelle s’anticipent certains de ses avatars contemporains, comme la notion de «compétence(s)». À ce propos, voir N. Bisseret (1971) et L. Tanguy (2006).

[←12

. Sur ce projet, voir G. Mialaret (1997, p. 11-79) qui en donne le texte intégral ainsi que les appendices, accompagné de documents complémentaires, la monographie que lui consacre E. Sorel (1997), ainsi que les actes des Rencontres à l’occasion du cinquantenaire de la remise dudit Rapport au ministre de l’Éducation nationale (Boutan & Sorel, 1998) et le recueil d’études publié sous la direction de P. Kahn & L. Gutierrez (2016).

[←13

. Robert, 1998, p. 44-45. Sur ce point, voir aussi Robert, 2016.

[←14

. Cela se retrouve également dans la conception de la culture et dans l’articulation, encore une fois dialectique de ses deux modalités, la culture générale et la culture professionnelle. La première «représente ce qui rapproche et unit les hommes tandis que la profession représente trop souvent ce qui les sépare. Une culture générale solide doit donc servir de base à la spécialisation professionnelle et se poursuivre pendant l’apprentissage de telle sorte que la formation de l’homme ne soit pas limitée et entravée par celle du technicien.» (Ibid., p. 19) 

[←15

. Sur ce point, voir la préface d’H. Wallon à l’édition du Plan rédigée en 1960 (apud Mialaret, 1997, p. 80-83), le procès-verbal de la Commission sur l’entrevue avec le ministre du 19 juin 1947 (apud Sorel, 1997, p. 189-191) ainsi que l’étude de F. Roulle sur la réception dans la presse quotidienne des travaux de la Commission (apud Gutierrez & Kahn, 2016, p. 91-105). 

[←16

. C’est bien d’une obsession de la réforme dont il s’agit, d’autant plus qu’elle se redouble d’une «célébration» qui n’est pas moins obsessive (Grignon & Saint-Martin, 1975). Il faut à cet égard observer combien la formation des enseignant·es a pu être l’objet électif de la «Réforme», qui l’a poursuivie de ses assiduités au cours de ces vingt dernières années. Et ce n’est pas un hasard puisque les enseignant·es tout autant que celles et ceux qui sont chargé·es de leur formation sont les instruments concrets de ce dont l’École est chargée par la société.

[←17

. P. Merle (2017, p. 22-24), insiste toutefois sur son caractère disparate.

[←18

. Sur cette question importante et qui est aujourd’hui à reprendre et à croiser avec la question de la reproduction (cf. supra, note 3), voir les travaux pionniers de B. Lautier et R. Tordajada (1977/2013 & 1978) 

[←19

. Pour ce qui concerne la France, un rapport du Conseil supérieur de la recherche scientifique et du progrès technique publié en 1957 avait attiré l’attention sur la pénurie d’ingénieurs, rapporte A. Prost (1997, p. 97), qui précise : «au cours des cinq années 1956-1961, la France aurait besoin de 51000 ingénieurs ou scientifiques formés à la recherche, tandis qu’il n’en sortirait que 24000 du système universitaire.» Il faut également rappeler que Spoutnik 1, le premier satellite artificiel fabriqué par l’humanité, a été envoyé dans l’espace par l’URSS en 1957, la même année qu’était signé le «Traité de Rome» instituant la Communauté économique européenne entre six pays du continent, dont la France.

[←20

. Décret no 59-57 du 6 janvier 1959 portant réforme de l’enseignement public paru au Journal officiel de la République française du 7 janvier 1959, p. 423. 

[←21

. Sur cette question, qui est aussi à développer et qui affecte le sens même de la formation (Fabre, 1994), voir, outre l’article déjà cité de L. Tanguy (2006), la synthèse de F. Ropé & L. Tanguy (2000) ainsi que les réflexions de S. Charbonnier (2015). Sur la question de la certification, voir F. Maillard (2020).

[←22

. Sur la question de la laïcité, voir les analyses et réflexions insuffisamment connues et discutées d’A. Tosel (2015) ainsi que celles d’É. Balibar (2010 & 2012). Voir également, sur la question de la laïcité comme valeur, l’étude d’É. Dubreucq (2016).

Annuel de la recherche en philosophie de l’éducation ISSN 2779-5292