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jeudi 29 février 2024

Pour citer ce texte : PERES, V. (2024). La Danse à l’école : un projet pour les é
motions démocratiques ? Annuel de la Recherche en Philosophie de l’Education , 4 ,
[https://www.sofphied.org/annuel-de-la-recherche-en-philosophie-de-l-education/arphe-2023/dossier/article/la-danse-a-l-ecole-un-projet-pour-les-emotions-democratiques]

La Danse à l’école : un projet pour les émotions démocratiques ? 

 

Valérie Peres
Université Paris Nanterre

 

Résumé  Nous nous proposons de discuter du rôle de la pratique de la danse à l’école dans le cadre d’une éducation favorisant les émotions démocratiques (Nussbaum, 2011). Dans cette perspective nous faisons l’hypothèse que la pratique de la danse basée sur une pédagogie du sentir développe un savoir expérientiel, le savoir sentir propice à l’acquisition des émotions démocratiques, parangon des nouvelles humanités. En effet, notre société actuelle ferait l’objet d’une crise de la sensibilité que nous avons nommé une insensible sensibilité (Pérès, 2020), cause de notre crise écologique et symptôme de l’ère de l’anthropocène. 

 

Mots-clés 
danse à l’école, éducation intégrale, insensible sensibilité, anthropocène, émotions démocratiques 

 

Abstract :  We propose to discuss the role of dance practice at school as part of an education promoting democratic emotions (Nussbaum, 2011). From this perspective we hypothesize that the practice of dance based on a pedagogy of feeling develops experiential knowledge, the knowledge of feeling conducive to the acquisition of democratic emotions, paragon of the new humanities. Indeed, our current society would be the subject of a crisis of sensitivity that we have called an insensitive sensitivity (Pérès, 2020), cause of our ecological crisis and symptom of the Anthropocene era. 

 

Keywords 
dance at school, integral education, insensitive sensitivity, Anthropocene, democratic emotions 

 

 

Nous allons ici parler d’art, mais surtout de danse et donc de corps en mouvement qui se construit, se forme et se police par la pratique de la danse. Mais avec la danse c’est aussi l’esprit qui se forme. En effet, en raison de sa logique d’apprentissage qui est « d’apprendre à désapprendre » et « d’apprendre comment on désapprend » (Saladain, 2017) la danse peut être soubassement pour le développement d’une acuité épistémique et d’une réflexion critique. Elle est enfin fondement pour penser le rapport à l’altérité en soi mais aussi l’altérité hors de soi. En effet, en participant à la formation de la dimension sensible du sujet, la danse développe une résonance empathique (Vaysse, 2015) ouvrant la voie à la relation avec autrui et participant ainsi à la constitution du collectif. C’est, donc, une éducation globale voire intégrale (Pérès et Gutierrez, 2023) que la danse convoque. Pratiquer la danse c’est aussi se confronter non plus à notre part d’humanité, mais à l’inhumain en soi, à la pulsion de mort et à la finitude du corps.  Pour autant nous voudrions ici mettre l’accent sur la part d’humanité que peut favoriser la pratique de la danse. Néanmoins la danse se constitue dans cette bivalence humain/inhumain et la met au travail.  

Avant de présenter notre thèse, nous aimerions faire part d’une tendance inflationniste sur la visée des arts comme formation de notre part d’humanité. Pour commencer, nous allons, donc, discuter cette tendance inflationniste et ensuite exposer la place que peut avoir la pratique artistique, ce qu’elle peut être et juste ce qu’elle peut être, avec ses contradictions, sa part d’humanité et son fondement inhumain.  

Le rôle de l’art dans notre société contemporaine : un discours inflationniste ?

 

Dans son livre Les émotions démocratiques. Comment former le citoyen du XXIe siècle ? (2011) Martha Nussbaum aborde le problème de l’éducation en régime démocratique. L’école souffre, selon elle, d’une crise du sens. Ce phénomène conduit à un effacement progressif de l’enseignement des arts et des humanités. C’est pourquoi, elle propose de donner place à l’enseignement, non seulement, des humanités, mais surtout des arts afin de développer ce qu’elle nomme des « capabilités » ou capacités où le sensible a place, où l’altérité est présente et intégrée afin d’aiguiser une sensibilité à autrui, afin d’être en résonance avec le monde pour pouvoir créer ainsi un collectif, une communauté de sujet différents mais reliés. Ce qu’elle nomme les émotions démocratiques. Ce qui est notable dans cette proposition c’est que Nussbaum associe humanités et arts pour construire la notion d’émotions démocratiques. De la même façon, on peut relever sur le site de l’UNESCO la présentation suivante du projet Humanités, Arts et Société créé en 2016 : 

« Dans un monde en constante évolution et confronté à de nouveaux défis qui affectent de plus en plus les sociétés soumises aux conflits sociaux et économiques, aux transformations écologiques et aux questions de multiculturalisme, de pluralisme et de droits de l'homme, quels sont les rôles des arts et des artistes ? Combler les écarts entre les peuples, les continents, les cultures, les civilisations et les temps. 

La Conférence mondiale des humanités, réunie à Liège en 2017 sur l'appel lancé par le CIPSH et l'UNESCO, avait pour but d'établir un agenda à mi-parcours pour faire face aux défis épistémologiques et sociétaux contemporains dans la perspective de contribuer aux humanités. Dans ce contexte, le CIPSH et l'UNESCO-MOST ont désigné Mémoires pour l’Avenir pour lancer le projet Arts et Société avec pour mission de mettre en place un mouvement mondial d'artistes dont le travail de création démontrera l'impact des arts et de la créativité sur la société.  

Le projet Arts et Société conçoit de nouvelles façons d'enseigner les humanités, avec une approche interdisciplinaire, combinant tous les domaines de la science et des sciences humaines, y compris la philosophie, l'histoire, la littérature et les langues, les arts et les lettres, ainsi que les connaissances non académiques. Le projet Humanités, Arts et Société représente le début d'un mouvement mondial d'artistes réfléchissant sur l'impact de la créativité en tant que facteur essentiel pour accéder à la connaissance et aux valeurs et principes universels, et pour relier les problèmes mondiaux à des solutions émergentes. »1  

 Dès lors, apparaît l’idée que les humanités en tant projet que d’éducation et d’enseignement ne suffiraient plus pour former le citoyen ou futur citoyen dans notre société contemporaine. Il faudrait faire appel aux arts pour venir combler un déficit ou un manque. Il faudrait avoir recours aux arts et aux artistes pour trouver de nouvelles réponses.  

L’art serait, ainsi, une réponse en raison de sa fibre créative pour trouver des solutions à une équation apparemment insoluble. En gros si nous caricaturons un peu : faisons appel à l’Art pour régler le problème et le tour est joué. La solution est trouvée. L’art vient combler ce qui ne fonctionne plus. En effet, si l’on se réfère aux propos ci-dessus : 

  1. La société a changé : « société en constante évolution ». Dans ce changement se présentent des « nouveaux défis qui affectent de plus en plus les sociétés soumises aux conflits sociaux, aux transformations écologiques et aux questions de multiculturalisme ». 

  2. Il y a une « crise du sens » 

  3. La réponse apportée dans ce texte est que l’art et les artistes par « leur créativité [sont] un facteur essentiel pour accéder à la connaissance, aux valeurs et principes universels » et ainsi former de futurs citoyens éclairés, mais aussi permettraient « de faire émerger des solutions face aux problèmes mondiaux ». 

 

Vaste programme ! Mais que peut l’art réellement ? Quels sont son rôle et sa place par rapport aux humanités ? Qu’entend-on par « Humanités » dans notre société actuelle ? Dès lors comment qualifier et décrire notre société contemporaine ? Par ailleurs, au-delà de la créativité c’est aussi le facteur sensible voire émotionnel qui est convoqué. Ce besoin de faire appel ou de former à une dimension sensible, affective et émotionnelle pose question. Faire appel au sensible, aux émotions est-il un signe voire un symptôme d’un changement de notre société ou plutôt une réponse ? Est-ce que le rapport sensible ne va plus de soi ? Au contraire sommes-nous dans une période où la dimension sensible prend une place prédominante et serait, dans ce cas, le signe d’une inflation du rapport au sensible ?  

 

Sans prétendre répondre à l’ensemble de ces questions ici et sans entrer dans un discours inflationniste, donnons à l’art, à sa pratique, et à la confrontation aux œuvres, leur place et juste leur place. Ils ne sont pas la solution à tous nos problèmes. Cependant, nous défendons l’idée que la pratique artistique et plus particulièrement la pratique de la danse participe d’une formation particulière qui peut venir s’inscrire dans un programme des humanités telle qu’on pourrait l’entendre aujourd’hui. Pour parler des humanités et tenter d’en dessiner le contour dans notre contemporanéité, je propose de repartir de la notion d’humanité au singulier entendu comme ce qui se situe au soubassement de l’être humain et relevant de l’antéprédicatif (Husserl, 1929, 1986). Il s’agit du pathique cher à Maldiney (2003), le sentir qui fait que l’individu est un être humain présent-vivant et existant. C’est ce pathique que la pratique dansée met au travail, participant de cette manière à une formation et à la constitution des humanités. Dans ce cadre, la pratique artistique en tant qu’aisthesis, pratique basée sur le sentir participe à l’humanité logée en chaque individu et concourt de ce fait à la formation par les humanités. C’est un « faire sentir » (Pérès, 2023) participant à la formation du sensible. En quoi ce recours au sentir serait-il une réponse à ce qui pose problème ou ne fonctionne plus dans notre société ? 

 

 

Vers une transition paradigmatique ? Un moment sur le seuil. 

 

Stiegler a avancé la thèse que la technique a appauvri l’expérience et l’activité de l’être humain, affaiblissant l’aisthesis, la sensibilité, en engendrant, non seulement, une perte du sensible, mais aussi du lien, du rapport au milieu et des relations intergénérationnelles (2008). Nous nous inscrivons dans cette filiation. Cependant, nous nous différencions aussi quelque peu des positionnements de Stiegler. Nous défendons l’idée que nous serions actuellement dans une période de crise au sens de passage ou transition. Dès lors, il reste à préciser vers quoi nous achemine cette transition.  

 

Une transition : la fin de l’anthropocène ? 

L’anthropocène est un terme diffusé dans les années 1990 mais qui a été repris et théorisé par Crutzen en 2002 dans un article paru dans Nature. Ce terme désigne une nouvelle ère géologique caractérisée par l’influence majeure de l’homme sur le milieu terrestre depuis les années 1850 tournant de la modernité industrielle capitaliste qui se traduit par une dégradation de notre environnement indispensable à notre survie. Ainsi, L’anthropocène met en scène la volonté de l’être humain d’agir et de maîtriser son milieu, dévoile sa capacité à assujettir. Dans ce cadre de pensée, le milieu est envisagé comme un objet et non plus comme du vivant. En ce sens, la notion d’anthropocène permet d’interroger ce qui fonde nos civilisations mais aussi ce que nous faisons de nous-mêmes, de l’autre et de ce qui nous relie et la manière d’être dans ce milieu. 

Il s’agit, dès lors, d’appréhender ce moment sur le seuil comme un moment réinterrogeant la relation du monde, la relation au milieu en tant qu’Umwelt, marqué par une perte du commun (Morizot et Zhong Mengual, 2018). Ainsi, le terme « anthropocène » apparaît à un moment catastrophique pour signifier une crise, la crise écologique. 

Nous nous proposons ici d’appréhender cette transition, ce moment sur le seuil à partir du focus de la crise écologique. 

 

La crise écologique : une crise du sensible ? 

Selon Morizot, la crise écologique est une « crise de nos relations au vivant » » (Morizot, 2020, 154) qui est perçu comme une chose. Cette crise écologique est ainsi une crise de la sensibilité qui est : « […] un appauvrissement de ce que nous pouvons sentir, percevoir, comprendre et tisser comme relations à l’égard du vivant » (Morizot, 2020, 17). Morizot ajoute : « Cet appauvrissement de l’empan de sensibilité envers le vivant, c’est-à-dire des formes d’attention et des qualités de disponibilité à son égard est conjointement un effet et une part des causes de la crise écologique » (Ibid., 154). Il s’agit d’envisager les effets de cette crise sur la dimension sensible et son rôle dans l’éducation (l’attention à l’autre, la disponibilité, la capacité à faire lien). Mais inversement, il s’agit, aussi, peut-être, d’envisager ce que cette crise nous dit de la relation éducative et de la transmission.

 

En ce sens, la crise écologique est un symptôme de changements opérés au cœur de la relation sensible.  En effet, nous soutenons l’idée que la crise écologique est un symptôme tout autant qu’elle est la cause d’un déficit de transmission en raison, selon Searles « d’une haine des générations futures ». Il appelle cela une « forclusion du futur des générations à venir » (Searles, 1972, 4). En effet, il avance l’idée que la crise environnementale est une conséquence de notre défense contre le non humain en nous et hors de nous. Il y a là une volonté d’omnipotence sur la nature, sur l’environnement non humain. Nous faisons ici une troisième hypothèse. Nous soutenons que ce défaut de transmission au sein de la filiation se traduit par « une insensible sensibilité », (Pérès, 2020) signe d’un déni de perception et d’un clivage somato-psychique. On ne peut pas dire qu’il n’y a plus de sensibilité mais celle-ci est clivée. Co-existent, alors, simultanément deux formes de rapport au sensible : il y a sensibilité d’un côté, sensibilité à son environnement et aux autres, et insensibilité de l’autre. L’individu est insensible envers lui-même. Il est coupé de ses sensations et de ses émotions. De même, il n’est plus empathique envers le monde qui l’entoure. 

Selon Morizot, le premier symptôme de cette crise de la sensibilité est « l’extinction de l’expérience de la nature » (Morizot, 2020, 22). La nature en nous et la nature hors de nous dirait Searles. Disparition des relations quotidiennes et vécues au vivant se traduisant par la perception dans notre cerveau « de bruit blanc » dit Morizot. Le bruit blanc désigne la présence de certains bruits dans notre environnement que l’on n’entend pas. Nous y sommes insensibles. Dès lors, ce bruit blanc est signe du clivage somato-psychique : ne plus ressentir ou sentir. 

 

Nous proposons de repartir de cette proposition pour penser/panser le milieu et le rapport nature/culture afin de discuter de l’articulation entre humanités et danse dans l’apprentissage expérientiel2 et corporel de l’enfant. Dans ce cadre, la danse serait un médium pouvant apporter une petite pierre à l’édifice et répondre à ce déficit du sensible. Nous parlerons plus particulièrement de la danse à l’école car la forme scolaire serait un catalyseur de cette période de transition, de seuil de crise.  

 

La forme scolaire : un catalyseur 

La forme scolaire est le catalyseur de cette transition en raison de la forme scolaire elle-même, que Guy Vincent définit comme « une forme de transmission de savoirs et de savoir-faire, privilégiant l’écrit, entraînant la séparation de l’écolier par rapport à la vie adulte, ainsi que du savoir par rapport au faire » (Vincent, 2012). En outre, elle exige la soumission à des règles, à une discipline spécifique qui se substitue à l’ancienne relation personnelle teintée d’affectivité. L’enfant est enfermé dans les murs de l’école, lieu à part et hors de la société. 

C’est aussi l’expérience quotidienne de l’enfant au sens de l’usage du monde, expérience que Dominique Ottavi présente comme invisible dans le monde actuel et que la forme scolaire accentue. Notre monde prive l’enfant d’une place et l’empêche de faire l’expérience du monde. C’est ainsi toute une éducation où le soin et la qualité de présence sont amoindris engendrant une ignorance d’autrui qui affecte l’enfant dans sa capacité d’éprouver. C’est l’expérience sensible qui est mise à mal. L’école, en son fonctionnement actuel non interrogé, participe à cette logique et accentue cette coupure du monde entre l’enfant et l’environnement. 

 

Dès lors, nous proposons d’aborder la pratique de la danse à partir du savoir expérientiel qu’elle recèle, soit le savoir-sentir, pour aborder la question des humanités et ce dans le cadre de l’école. 

 

Vers de nouvelles humanités pour une nouvelle humanité ? L’exemple de la danse à l’école 

 

Le savoir expérientiel qu’est le savoir sentir mis en action par la pratique de la danse concourt au développement du sensible et est de ce fait une réponse au symptôme qu’est l’insensible sensibilité dont la crise écologique en tant que crise de la sensibilité (2020) est un symptôme.  

Nous rejoignons ici la thèse de Nussbaum au cœur de laquelle les arts et les humanités seraient une façon de répondre à ce défaut du sensible dans la constitution du sujet et de développer les émotions démocratiques propices à la formation d’un futur citoyen doté d’une réflexion critique, formation que les humanités doivent prendre en charge afin de former un citoyen éclairé et autonome. 

Dès lors, comment la danse participe-t-elle au développement de cette éducation sensible et s’inscrit-elle dans une éducation développant les émotions démocratiques ? 

 

Entre fond et forme : les savoirs de danse instituants et constitués 

Danser c'est jouer avec la gravité. Mais c’est aussi la déjouer. En effet, tout corps entrant dans la danse joue et déjoue la gravité pour s’en défaire et se libérer de ce poids et ce, dans un perpétuel passage entre équilibre et déséquilibre.   

Pour jouer et déjouer la gravité, l’enfant danseur acquiert simultanément ou par alternance deux types de savoirs corporels, les savoirs corporels instituants et les savoirs corporels constitués, permettant l’acquisition du geste, signe de la danse. 

Les premiers que nous nommons savoirs instituants3 ont des normes souples et peu contraignantes. L’apprentissage de ces savoirs s'appuie sur les sensations proprioceptives (internes du corps) et extéroceptives (en relation avec l’environnement) pour développer la sensorialité, toile de fond et moteur du mouvement que Godard a nommé pré-mouvement4 . L’enfant en situation de danse éprouve un ensemble de perceptions en travaillant avec sa posture, en expérimentant sa relation à l'espace et au temps. À partir de ses sensations et en relation avec la gravité, l’enfant danseur développe, alors, une palette de sensorialité, ensemble des sensations intéroceptives et extéroceptives, pour se constituer ensuite une sensibilité qui relève de l’apprentissage et de l’acquisition d’un savoir. Nous appelons ce savoir le savoir-sentir sur lequel se base toute l’acquisition de ces savoirs instituants. 

Le danseur élabore de cette manière un répertoire corporel combinant états de corps5 et qualités de mouvement6 tous deux paramètres de l’élément signifiant de la danse : le geste. Ce geste devient dansant quand il s’inscrit dans un univers poétique faisant appel à l’imaginaire de l’enfant, soutenu dans la transmission par l’imaginaire du pédagogue et ce, par l’usage de comparaisons, d’images, de métaphores (caresser l’air, couler comme de la neige qui fond, trancher l’espace, se déplacer comme un robot pour travailler la qualité saccadée, etc.). L’enfant crée, de ce fait, son propre langage sensible incarné que nous qualifions de métaphore incarnée (Pérès, 2021). 

Cependant, l’acquisition de ce geste est associée à un autre type de savoirs corporels, les savoirs constitués qui renvoient non plus au fond mais à la forme et plus particulièrement à la forme visible. Ils font appel à une terminologie précise (position des bras, position des pieds, le plié, le dégagé, l’enroulé du dos, le cambré, la spirale, l’inclinaison latérale du dos, les cinq types de sauts, les tours, les pas de liaison, etc.) et se font dans une succession d’actions déterminées. Ils se réfèrent à des normes plutôt fortes. Les contraintes sont relativement importantes.  

Il y a ainsi, dans l’apprentissage de la danse, l’acquisition de deux types de savoirs, l’un renvoyant au fond, l’autre à la forme visible. L’un est champ de forces et met en mouvement. Ce savoir est plutôt informel. Le second contient, enveloppe, rend visible et formalise ce champ de forces. Le premier est soumis à des contraintes faibles et des normes souples, la codification est peu existante. Tandis que le second savoir est un savoir formalisé et codifié, aux contraintes fortes. Dès lors l’apprentissage et l’acquisition de ces deux savoirs peuvent s’avérer paradoxaux voire contradictoires. 

 

Une capabilité particulière : le corps disponible 

L’éclosion de la danse contemporaine et l’institutionnalisation de son enseignement au cours des années 80 ont favorisé l’émergence de la notion de « corps disponible » (Saladain, 2017), capabilité7 propre à l’apprentissage de la danse. Celle-ci a permis de répondre à la tension inhérente à celui-ci, entre savoir instituant, plutôt informel, et savoir constitué formel. 

Le vocable « corps disponible » regroupe trois dispositions. Tout d’abord, qualifier le corps dansant comme disponible signifie que ce corps a la capacité de s’individuer et de danser sans modélisation par rapport à une représentation externe (faire comme le prof, en copiant sur lui…). Il s’agit de trouver ses propres ressorts internes. Le corps disponible renvoie, ensuite, à l’idée d’un corps libéré des mécanismes de contrainte propres aux savoirs constitués de la danse. Il ne s’agit pas de les occulter, il s’agit au contraire de les avoir intégrés pour prendre appui dessus et ainsi dépasser ces savoirs constitués. Enfin, ce vocable renvoie au pouvoir d’agir. Il s’agit là de se saisir d'une situation donnée pour s’engager dans une action. Ces dispositions ne sont pas hétérogènes. Le corps disponible permet cette ouverture au monde pour se saisir des situations, agir par le mouvement dansé en s’appuyant sur ses propres moyens, en congruence avec l’environnement, pour exprimer une singularité et enfin éprouver et affirmer une liberté. Ainsi, le corps disponible offre cet « ensemble de possibilités de choisir et d’agir » (Saladain, 2017, 16) propres à la capabilité.  Oui, mais comment ? 

Tout d’abord, le corps disponible renvoie à une approche naturaliste du corps dessinant des normes corporelles souples (Saladain, 2017, 29) où le travail de sensations, le savoir-sentir, est privilégié au détriment de savoirs corporels formels. Il s’agit plus particulièrement « de la nécessité que le corps puisse se défaire des éléments techniques […] Ce n’est plus un corps adapté aux réquisits d’une danse codifié mais la capacité de se préparer à un état de disponibilité » (Chopin, Saladain, 2017, 45). Il s’agit là d’un apprentissage pour déconstruire et reconstruire, laissant ainsi place à une forme d’improvisation, de liberté et de singularité.  

Il nous faut apporter une précision. Cette notion de corps disponible a été théorisée dans le cadre d’une recherche appuyée sur la formation des danseurs professionnels (Saladain, 2017). Cependant, nous avons pu montrer ailleurs que cette disposition du corps disponible existe bel et bien dans le processus de formation et dans l’enseignement à destination des enfants et des amateurs (Pérès, 2023). 

S’érige ainsi une formation avec de nouvelles normes corporelles : apprendre à construire et déconstruire corporellement pour laisser place à l’improvisation et à la singularité de chaque apprenant. 

 

Réflexion critique et émancipation : apprendre à désapprendre 

Par ailleurs, cette forme particulière de technique du corps (Mauss, 1934) est très souvent associée à l'esprit disponible (Saladain, 2017, 16). Cela permet de développer une capabilité particulière : l’expérience du désapprendre (Chopin, 2017). Chopin et Saladain présentent cette expérience comme un exercice continu du désapprendre où il « s’agit d’apprendre à déconstruire et être critique. Il s’agit d’apprendre comment on déconstruit » (Chopin, Saladain, 2017, 42). Se met en place, ainsi, lors de l’expérimentation et de l’apprentissage en danse l’acquisition d’un savoir-sentir passant par l’apprentissage continuel de construction/déconstruction ouvrant la voie à « une acuité épistémique » (Chopin, Saladain, 2017, 45). Par une remise en cause de ses savoirs corporels, c’est une formation à la réflexion critique qui se met en place. Il y a, en effet, là une capacité à déconstruire ses propres savoirs et à les objectiver pour choisir, le tout dans une visée émancipatrice et politique correspondant à ce que Nussbaum nomme les émotions démocratiques.  

Ainsi, cette acuité épistémique ou réflexion critique s’est étayée sur la formation du corps disponible, corps formé de la rencontre entre savoirs constitués et savoirs instituants dont le savoir sentir est au fondement. Il y a ainsi un continuum entre sentir, dimension sensible, corps disponible et réflexion critique proches en ce sens des émotions démocratiques de Nussbaum. Dès lors, l’apprentissage des savoirs de danse participe aux techniques du corps pour former un corps et un esprit disponibles propices aux émotions démocratiques et à la réflexion critique. S’engage, de cette manière, une formation et une construction de l’individu pouvant s’émanciper non pas à partir d’une rationalité hors sol mais à partir d’une rationalité et d’une réflexion émancipatrice toutes deux basées sur le savoir-sentir et l’expérience sensible. 

 

Pour former à cette disposition du corps disponible et à cette capacité de l’expérience du désapprendre, la pédagogie en danse a fait appel à un exercice : la marche. 

 

La marche : un outil didactique pour l’acquisition du savoir-sentir 

Il existe déjà de nombreux travaux sur la marche8 . La marche a été abordée en esthétique, en philosophie. Elle est aussi depuis longtemps un objet d’étude artistique en danse, en musique et dans le domaine de la sculpture9 . Il ne s’agit pas dans le cas présent d’une redite ou d’un prolongement de ces nombreux travaux. Notre propos est quelque peu différent. De même, si son apport et son lien avec l’expérience du désapprendre ont déjà été abordés (Saladain, 2018, 19-23) dans le champ de l’écriture chorégraphique et de la formation des danseurs professionnels, notre approche est distincte. En effet je souhaite aborder l’exercice de la marche à partir d’un autre lieu énonciatif, à la croisée de l’éducation artistique à l’école et de la philosophie politique de l’éducation et ce, dans une perspective phénoménologique. Ce qui nous intéresse est la marche chorégraphique comme outil didactique dans le cadre de l’atelier de danse à l’école. 

 

La marche dans l’atelier de danse permet de travailler et d’élaborer ce corps disponible car la marche est un geste de l’ordinaire, du commun, presque naturel en apparence, pourrions-nous dire, et accessible à tous. C’est son premier atout. Mais la marche chorégraphique diverge un peu de cette apparente simplicité. Simple dans son usage, elle renferme une complexité que Jaques-Dalcroze a su mettre au service de la pédagogie, du rythme, de la musique et indirectement et de la danse (Jaques-Dalcroze, 1920, 1965). En effet, Jaques-Dalcroze a mis au point une pédagogie pour apprendre le solfège basé sur l’éprouvé, l’expérimentation et l’activité corporelle. En 1906 à Hellerau, en collaboration avec l’architecte Appia, Jaques-Dalcroze élabore un enseignement de la musique basé sur un savoir expérientiel et développe l’idée de corps musicien joueur (Boissière, 2021, 3). Dans cette perspective, il a recours au jeu mais aussi à la marche pour développer la conscience rythmique (Boissière, 2021, 5). Pour quoi ? Dans quel but ? 

Jaques-Dalcroze défend l’idée d’un corps à la croisée du naturel et du culturel. Le corps n’est pas entièrement déterminé par les normes et contraintes sociales et n’est pas uniquement soumis à une totale spontanéité. Jaques-Dalcroze cherche plutôt une voie intermédiaire entre ces deux pôles. La spontanéité reste un élément fondamental pour cet auteur, qu’il traduit dans sa pédagogie par le corps mouvant. Mais cette naturalité, cette spontanéité se manifestent en situation, dans l’exercice. La mise en situation est essentielle dans la pédagogie Dalcrozienne. C’est ainsi que l’exercice de la marche devient exercice princeps. Ainsi, à mi-chemin entre technique du corps (Mauss, 1934) et mouvement naturel, le but de l’usage de la marche est de concilier un rythme instinctif basé sur un corps naturel et un rythme acquis par les apprentissages que Jaques-Dalcroze utilise pour faire émerger une « polyrythmie et une polydynamique qu’il (apprenti musicien) n’a pas naturellement et d’intérioriser des rapports d’espace, de temps et d’énergie » (Boissière, 2021, 2). 

 Par héritage et transmission de la pédagogie Dalcrozienne10 , la marche est devenue dans la pédagogie en danse, notamment en danse contemporaine, un exercice fondamental. Dans l’atelier de danse, il s’agit d’associer dans l’expérimentation les potentialités (naturelles) du corps que Jaques-Dalcroze déclinait sous le terme de spontanéité et que j’ai nommées savoirs instituants et la construction d’un savoir plus formel nommé savoirs constitués. De cette manière, le geste, élément signifiant du corps en mouvement, s’élabore et constitue, ainsi, un langage sensible incarné ou parole silencieuse.  

D’un langage sensible incarné à l’interprétation

Le langage sensible incarné est une parole silencieuse relevant du logos endiathetos, parole intérieure, et de la tacita significatio (Fumaroli, 2002, 30). Cette parole silencieuse permet de « dire l’indicible et écouter le verbe en silence » (Fumaroli, 2002, 197). Elle recèle ainsi une énigme, point de départ du dialogue philosophique et de la réflexion critique. En effet, Colli (2002) étudiant la naissance de la philosophie, a pu mettre en lumière la fonction de l’énigme lors de ce passage du mythos au logos. L’énigme est la parole de l’indicible logée au sein du discours religieux du mythos. Elle s’est perpétuée lors de la naissance de la philosophie et est devenue soubassement de la dialectique du logos philosophique. L’énigme, dès lors, détient ce pouvoir de susciter le dialogue et le raisonnement critique. La parole silencieuse de la danse, sensible et incarnée, détenant en son sein une énigme, ouvre, de la même façon, la voie au dialogue critique et raisonné. Cette énigme favorise, ainsi, le travail d’interprétation (Galichet, 2019, 63) qui est un travail sur le sens ouvert et inachevé. Pour ce faire, la fonction interprétative mobilise cinq compétences (Ibid.).  Il s’agit, d’abord de repérer les traits signifiants pour, dans un second temps, en dégager et en expliciter le sens. À partir de ces explicitations, il s’agit d’inventer des analogies pour en faire varier les sens et en explorer les implications. Enfin, avec l’appui du matériel récolté lors des étapes précédentes, il s’agit de juger, évaluer et hiérarchiser. Comment s’effectue ce travail d’interprétation dans le cadre de la danse ? 

 

Le sens s’élabore dans le cours de danse à partir de l’acquisition du savoir-sentir que nous déclinons en trois strates : sentir incarné, sentir verbalisé, sentir objectivé. Pour ce faire, trois étapes, regroupées dans une pédagogie du sentir, sont toujours instaurées dans l’atelier : expérimenter, observer et comprendre/analyser. Ces trois étapes, en s’appuyant sur la sensorialité et le sensible, permettent d’éprouver, d’observer et de verbaliser pour comprendre et expliquer. Après avoir expérimenté, l’enfant observe. Il repère de cette manière ce que Galichet nomme les « traits signifiants » (2019, 63). Puis, lors de la phase de compréhension/analyse l’enfant dégage et explicite le sens. Il fonctionne par comparaison et analogie. C’est ainsi que la compétence interprétative est mise en jeu. 

 

 

Conclusion 

Partant de l’idée que la pratique de la danse basée sur la mise au travail du pathique ou « sentir » s’inscrit dans une formation aux humanités dans notre société actuelle, nous nous sommes alors interrogés sur la manière dont ce « sentir » pouvait y participer. Pour ce faire, nous avons convoqué la notion d’Anthropocène dont la crise écologique, crise de la sensibilité ou marqueur d’une insensible-sensibilité, est le symptôme pour qualifier la période de transition que nous vivons. La pratique de la danse développant un savoir particulier, le savoir-sentir, est un médium propice pour répondre à ce déficit du sensible et cultiver la part d’humanité en nous : rapport à soi, rapport à l’autre, empathie, attention et capacité de faire lien. La danse est donc un vecteur pour l’enseignement et la formation aux humanités par l’intermédiaire du savoir expérientiel qu’est le savoir-sentir. Elle est ainsi une réponse possible aux impasses de notre société actuelle marquée par une forme « d’insensible sensibilité ». 

 Mais la danse développe aussi la capacité réflexive, la raison critique et ouvre la voie à un corps et un esprit émancipés car elle est une parole silencieuse détenant en son sein une énigme ouvrant la voie à l’interprétation herméneutique et suscitant, dès lors, la dialectique du logos philosophique. En ce sens la danse met en jeu et développe les émotions démocratiques et s’inscrit dans une éducation que nous pouvons qualifier d’éducation intégrale. 

Dans cette perspective, la danse à l’école et hors l’école pourrait-elle être un vecteur d’innovation ou de réforme de la forme scolaire ? 

 

 

Références 

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DOI. : https://doi.org/10.3917/jle.botbo.2015.01.0295  

 

 

Notes
[←1

 https://en.unesco.org/themes/social-transformations/most/philosophy/arts-society 

[←2

 Nous nous référons aux théories de Dewey pour la notion d’expérience et pour le rapport entre Art et expérience 

[←3

 Pour l’usage de ce terme, nous nous référons à Castoriadis qui distingue instituant et institué pour établir deux conceptions de l’institution. L’instituant désigne les processus par lesquels une société construit une institution dans une dynamique de décomposition/recomposition et dans une relation de réception/altération. L’instituant vient perturber l’institué qui est établi et fixe. Il y a, ainsi, dans une dynamique hégélienne, alternance perpétuelle entre instituant et institué pour constituer dans un troisième temps l’institutionnalisation. 

[←4

 Le pré-mouvement est « cette attitude entre le poids, la gravité, qui existe déjà avant que nous bougions » (Godard, 2002, 236). Celui-ci est similaire à une anacrouse dans le domaine de la musique. L’anacrouse est une note ou un ensemble de notes qui précèdent le premier temps fort de la mélodie. 

[←5

 Un état de corps est la cartographie précise à un instant T d'une posture dans son rapport à la gravité (tension, détente etc…). C’est corporellement une façon d’être au monde à un moment précis et dans un espace déterminé. 

[←6

 La qualité de mouvement regroupe les intentions dynamiques qui colorent le geste. Elle se caractérise, ainsi, par une vitesse (lent, rapide etc…), par une amplitude et est accompagnée d’un univers poétique. 

[←7

 La capabilité est définie par Nussbaum comme « un ensemble de possibilités de choisir et d’agir (…) La capabilité est donc une forme de liberté » (Nussbaum, 2011, 39). 

[←8

 Nous pouvons citer, sans être exhaustif, Gros, F (2011). Marcher, une philosophie, Paris : Edtions Flammarion ; Le Breton, D (2000). Éloge de la marche, Paris : Éditions Métailié, Thoreau, H.D (2003). De la marche, Paris : éditions mille et une nuits, Banes, S (2002). Terpsichore en baskets, post-modern dance. Paris : Éditions Chiron. 

[←9

 Gradiva de Jensen en littérature, L’homme qui marche de Giacometti en sculpture, Zeitung de Keersmaker ou Procession de Belaza en danse. Nous pouvons aussi noter l’utilisation par Freud de Gradiva de Jensen. 

[←10

 Françoise Dupuy, formée par la méthode Dalcrozienne dès son plus jeune âge à Lyon, a réutilisé, diffusé et transposé cette pédagogie lors de l’institutionnalisation de l’enseignement de la danse avec la mise en place d’un diplôme d’état de professeur de danse dont elle fut la principale actrice en tant qu’Inspectrice de la danse au Ministère de la Culture entre 1985 et 1990. Ainsi, elle fut à l’origine de la loi N° 89-468 du 10 juillet 1989 relative à l’enseignement de la danse qui instaure l’obligation d’un diplôme d’état pour enseigner la danse classique, contemporaine et jazz. 

Annuel de la recherche en philosophie de l’éducation ISSN 2779-5292